Nouvelle pirouette sur l’Internet iranien

Le 9 octobre 2012

En deux semaines, les autorités iraniennes ont décidé de bloquer l'accès à Gmail, de le débloquer, pour finalement empêcher la consultation de fichiers sons et vidéos. Un nouveau pas dans les circonvolutions de Téhéran visant à limiter la diffusion d'informations.

La République islamique n’en finit pas de bloquer Internet, de rétropédaler, pour finalement trouver de nouveaux moyens pour limiter toujours plus la pénétration d’informations en Iran. Depuis le 4 octobre, le gouvernement d’Ahmadinejad a trouvé une nouvelle lubie : le son et la vidéo. Les fichiers sons (mp3 uniquement), vidéos (mp4, avi) et au format flash (swf) ne sont plus consultables en Iran, même s’ils sont hébergés à l’extérieur du pays.

L’Internet (verrouillé) made in Iran

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Les autorités iraniennes avancent et rétropédalent depuis des mois sur leur projet d'Intranet géant. Hier, le ministre de ...

Cette ligne Maginot est une nouvelle étape de la drôle de guerre de Téhéran pour le contrôle d’Internet. Il y a deux semaines, le ministre délégué aux Communications, Reza Taghipour, annonçait tout feu tout flamme la coupure prochaine de Gmail, le service de messagerie de Google, ainsi que la version sécurisée du moteur de recherche.

Officiellement, les autorités voulaient couper l’accès au film “L’innocence des musulmans”, diffusé sur YouTube. Ou du moins surfer sur cette vague. En creux, l’objectif était plus de diminuer encore les possibilités d’échanger avec l’extérieur. Patatra. Devant la grogne de certaines personnalités politiques, Gmail a été débloqué à peine une semaine après.

Pirouette

De la même façon qu’au printemps lorsque le protocole https, utilisé pour les connexions sécurisées (donc les emails), a été bloqué, le gouvernement est vite revenu en arrière. Le secteur bancaire notamment n’avait pas du tout apprécié d’être ainsi entravé dans sa communication vers l’extérieur. Cette fois-ci, l’insigne honneur d’exécuter la pirouette est revenu au porte-parole du pouvoir judiciaire. Dans le journal iranien Mellat Ma, Gholamhossein Ejeï a déclaré le 2 octobre :

Comme une partie du film anti-Islam avait été diffusé sur le site YouTube et que ce site avait été acheté par Google, en filtrant YouTube il y a eu des perturbations techniques dans l’usage de Google et Gmail.

Circulez, rien n’est censuré. Sauf YouTube, toujours inaccessible. Et même Internet dans son ensemble pour les administrations. Reza Taghipour, aujourd’hui plus ministre du minitel que des Communications, avait aussi annoncé l’ouverture d’un intranet géant pour les institutions.

Contre Stuxnet et la rue

Les menaces redoutées par le régime ont deux noms : cyberattaques et manifestations. Depuis la révolte de juin 2009 après la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad, Téhéran limite au maximum la circulation de l’information. Par peur qu’un nouveau mouvement naisse sur les réseaux. Ces jours derniers, l’effondrement de la monnaie nationale a provoqué des protestations, jusqu’au bazar de Téhéran, l’un des poumons économiques de la capitale.

Une récente étude (PDF) sur la consommation des médias en Iran, menée dans quatre grandes villes iraniennes, laisse penser que le phénomène a été largement surestimé ou a depuis périclité. Les résultats du sondage, réalisé par l’université de Pennsylvanie, montre que 96% des sondés utilisent d’abord la télévision pour s’informer. Internet n’arrive qu’en quatrième position. Certes, les jeunes (surtout les 18-28 ans) ont plus recours à Internet que leurs aînés, mais le classement n’est pas bouleversé.

C’est en tout cas suffisant pour Téhéran qui n’en finit pas de cadenasser Internet. Par peur aussi de subir de nouvelles cyberattaques. Lundi, un officiel de l’Iranian Offshore Oil Company a affirmé que les systèmes de communications de plusieurs plateformes pétrolières étaient attaqués ces dernières semaines.


Photo par Khalid Albaï [CC-by] via flickr

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