OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les data en forme http://owni.fr/2012/04/03/les-data-en-forme-episode26/ http://owni.fr/2012/04/03/les-data-en-forme-episode26/#comments Tue, 03 Apr 2012 21:58:35 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=104648 OWNI. Cette semaine, ils vous proposent un voyage au coeur des data contre vents et marées, avec une Terre qui tourne et des courants marins visualisés en temps réel. Mais aussi des données en 3D qui se promènent au plafond de Grand central station, à New York.]]> Amoureux de la donnée, sortez vos mouchoirs. On démarre ce nouvel opus des data en forme avec un projet fou, “Graphic World”, signé David Mc Candless et le quotidien économique Financial Times. Place au spectacle :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

 
Une gare, des data, du talent, le tour est joué et ça donne des frissons. Faire sortir les chiffres de nos écrans, les donner à voir au coeur d’un lieu aussi fréquenté que Grand Central Station à New York, surprendre les 750.000 passagers qui traversent cette salle chaque jour, un sacré pari. Surtout quand on y ajoute la possibilité de parcourir IRL les données avec une interface simple : nos pieds.

Le résultat est à la hauteur du défi, une série d’animations en 3D isométrique réparties sur trois thèmes : la place de l’économie Américaine dans le monde, l’importance de l’industrie du téléphone mobile et les chiffres positifs au coeur de la crise actuelle.

Pour ne rien gâcher, le site qui relaie l’opération est aussi sobre qu’efficace : contenus accessibles en un clic, jolie mise en forme CSS, vidéos contextualisées et liées à leur fil de discussion Facebook. Cette campagne du Financial Times qui met les data au cœur de la réflexion est une réussite. Seul bémol : son objectif en forme de croisade sous la bannière étoilée…

The US is still the world’s pre-eminent economic superpower – but to stay on top and thrive in the global arena, an in-depth understanding of the global marketplace is critical to the American business community.

Les data au bout des doigts

Restons dans le réel pour jouer avec ce que nous avons tous à portée de main : du papier. Sian Ching, designeuse et graphiste basée à Singapour, est une adepte du DIY. Avec des gabarits, une paire de ciseaux, de la colle et des feuilles aux couleurs intelligemment choisies, elle transforme en quelques heures des tableaux de données en infographies physiques.

Elle a notamment travaillé sur trois jeux de données avec ce principe : la répartition des groupes sanguins parmi les donneurs de Singapour, les réserves des trois principales sources d’énergie dans le monde et une comparaison de cinq causes de décès (le virus du Sida, la malaria, les suicides, l’alcool et les accidents de la route).

Pattern Matters

Le but du projet est double : mettre en avant le rôle essentiel du motif (et de sa répétition) dans tout travail graphique et offrir une source d’inspiration pour tout ceux qui s’intéressent au sujet. On la remercie.

Do it Toi-même !

Si vous n’êtes pas des adeptes des papier-colle-ciseaux mais que le principe de passer à l’action vous parle, causons “outils”. Le datablog du Guardian a publié la semaine dernière un article bien utile pour tous les (data-)journalistes et autres passionnés de la visualisation des données qui voudraient mettre les mains dans le cambouis.

Le généreux Simon Rogers y a listé les services en ligne les plus utilisés par ses équipes. Google Fusion Tables, Tableau, Many Eyes, les bases sont là avec les explications sur le “pourquoi du comment” à chaque fois. Un article à se garder toujours à portée de main car plus nous serons nombreux à les utiliser, plus de nouveaux outils verrons le jour, donc plus nous aurons de possibilités.

Nous y allons aussi de notre modeste contribution avec un nouveau venu parmi les outils de création de frise chronologique : Timeline. Ce projet, créé au sein du Knight News Innovation Lab, rappelle graphiquement Dipity, dans un esprit plus épuré et plus efficace mais c’est surtout son principe qui est innovant.

Ici, pas de compte à créer, pas d’interface graphique parfois chargée pour construire votre chronologie, vous récupérez simplement les différents fichiers du script sur GitHub, vous éditez le fichier .json contenant les données à afficher sur la frise chronologique, vous déposez le tout sur votre serveur (ou dans un dossier public Dropbox) et vous n’avez plus qu’à appeler le script dans l’une de vos pages pour afficher le résultat.

Il faut mettre les mains dans le code, c’est certain mais ce n’est pas aussi compliqué qu’il y parait et les fonctionnalités proposées par Timeline sont vraiment intéressantes : intégration de multiples sources (Twitter, YouTube, Vimeo, Soundcloud, Google Maps, Flickr), affichage pleine page, intégration des données à partir d’un modèle de feuille de calcul Google Documents, affichage sur les supports mobiles (smartphones, tablettes y compris Apple).

Enfin dernier point qui nous fait vraiment aimer ce projet : il est Open Source. À surveiller donc car, c’est certain, de nouvelles fonctionnalités verront rapidement le jour rendant l’outil encore plus performant.

Flux et reflux

Finissons cet épisode entre brises et courants. L’un des points fascinant du travail sur les données est d’arriver à rendre visible (et lisible) des informations qui ne le sont pas à l’origine. Ça l’est d’autant plus lorsque l’on arrive à faire ce travail sur des data qui nous entourent sans qu’on ne le sache.

C’est justement l’objet du dernier projet personnel de Fernanda Viégas et Martin Wattenberg. Modestement en charge du groupe de recherche “Big Picture vizualisation”, financé par Google, ils se sont amusés, sur leur temps libre, à visualiser les vents qui parcourent le territoire américain. En temps réel, bien sûr.

Le projet, intitulé “Wind Map”, offre un rendu visuellement fascinant. Son principe est si simple, pour ne pas dire évident, qu’il n’y a pas grand chose à en dire au-delà de son titre : une carte des vents. Elle est juste astucieusement construite avec les outils d’aujourd’hui. Les données utilisées, issues de l’organisme national de prévisions météorologiques, sont publiques et disponibles depuis longtemps. C’était là, sous nos yeux.

Sur un principe similaire, mais avec des moyens légèrement plus importants, la Nasa a mis sur son compte Flickr une vidéo intitulée “Perpetual Ocean” permettant de visualiser les courants océaniques. C’est le studio de visualisation scientifique maison qui a compilé un énorme flot de données produites par le projet ECCO2 pour obtenir un film d’une vingtaines de minutes visualisant ces flux et reflux entre juin 2005 et décembre 2007.

Là aussi, le résultat est assez hypnotique.

 
À regarder cette vidéo en boucle, on pense même à La nuit étoilée de l’ami Vincent, peut-être l’un des premiers datajournalistes sans le savoir.

À la semaine prochaine et n’oubliez pas, contrairement à la vérité, les données, elles, sont ici, autour de vous.

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Les data en forme http://owni.fr/2011/10/24/data-ogdcamp-democratica-cartographie-occupy-george-ows-infomous/ http://owni.fr/2011/10/24/data-ogdcamp-democratica-cartographie-occupy-george-ows-infomous/#comments Mon, 24 Oct 2011 13:26:10 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=84319 Cette semaine, attaquons par du sérieux : parlons politique. Les 19 et 20 octobre se tenait à Varsovie un événement essentiel dans le monde de l’Open Data : l’Open Government Data Camp. Parmi les 400 participants, il y avait notamment les deux créateurs de Manufactura Independente, un studio de design basé à Porto. Ils venaient y présenter le dernier projet auquel ils ont participé : Demo.cratica (en portugais), un superbe outil permettant d’explorer le parlement portugais à travers les data.

Intéressé par le contenu des sessions parlementaires ? Demo.cratica a ce qu’il vous faut : un calendrier des sessions depuis 2009 permettant de naviguer parmi les transcriptions des débats. Au survol d’une date sur le calendrier s’affiche le mot le plus souvent cité dans les prises de paroles du jour, pratique pour parcourir les thématiques abordées. Lorsque vous vous penchez sur la retranscription d’une session parlementaire, en plus des textes des interventions, Demo.cratica propose une  visualisation “statistique” des échanges. Vous pourrez ainsi facilement voir quel groupe parlementaire a le plus pris la parole, via quels députés au sein de ce groupe ou quels sont les grands thèmes abordés.

Pour ne rien gâcher, la mise en forme de ces données est plus que léchée et les sources de Democra.tica sont regroupées sous la forme d’un logiciel libre et donc disponibles sous licence AGPL. Quoi de plus naturel lorsque l’on sait que ce projet est né, il y a 9 mois, au cours d’une session Hackday à Porto ?

Depuis le temps qu’on vous le dit : hacker c’est bien, c’est bon.

Continuons avec la politique côté finances. On a pu voir en France que l’exercice des primaires présentait un solde plus que positif. Outre-Atlantique Matt Stiles, journaliste pour NPR et auteur du blog The Daily Viz, s’est amusé avec les data de la Commission nationale électorale. Il s’est posé une question simple : d’où viennent – géographiquement – les 90 millions de dollars engrangés par les candidats républicains depuis le début de l’année ?

Sa réponse tient en 10 cartes : la première, globale, affiche les données de tous les candidats, les neuf autres présentent la provenance des fonds candidat par candidat. On regrette juste qu’il n’ait pas poussé jusqu’aux quelques lignes de HTML5 qui auraient permis de présenter l’ensemble avec plus de simplicité et d’ergonomie qu’un long scroll.

Dataviz battles

Ces deux projets pourraient donner quelques pistes de réflexions pour le concours de dataviz qui vient d’être lancé par Google : “Les élections 2012 autrement“. Le principe est simple :

Proposer une application web interactive qui utilise des données de Google ou de Twitter pour proposer un nouveau regard sur l’élection présidentielle française de 2012.

Seule contrainte, donc, utiliser au moins un jeu de données provenant de Google ou Twitter, libre à chacun ensuite de laisser s’exprimer sa créativité. API fortement conseillées. Le tout (les sources de la webapp) est à envoyer sur dataviz2012@gmail.com avant le 7 décembre 2011.

Les concours de dataviz ont d’ailleurs tendance à se multiplier ces derniers temps. On notera celui organisé par l’un des papes de la dataviz, David Mc Candless, tout simplement nommé : The Information is beautiful Awards. Le premier concours portait sur l’évolution des stocks d’énergies non-renouvelables dans les années à venir et les vainqueurs sont sur le point d’être annoncés. En attendant on peut aller se balader sur les projets des finalistes des deux catégories : interactive challenge, visant à produire une web-app restituant les data, et le napkin challenge, qui rassemble les projets à l’état d’intentions graphiques crayonnées sur des nappes en papier ou tout autre support un tant soit peu lisible, du jus de cerveau en open source en somme.

OWS DVZ

La dataviz, c’est à chacun de s’en servir et, bien utilisée, c’est un excellent outil de communication. Le monde de l’entreprise l’a compris en assommant des armées de commerciaux à coup de powerpoints graphomaniaques durant de nombreux séminaires “Chiffre d’Affaires”, “Chiffres de Vente” ou “Parts De Marché” – car chacun sait qu’une image passe toujours bien mieux. Toutefois avec deux sous d’inventivité, un soupçon de DIY et un message plus politique à faire passer, on trouve tout de suite des idées bien plus intéressantes.

Au cœur mouvement Occupy Wall Street, la datavisualisation est apparue en toute logique car quoi de plus efficace (photo, à voir) pour représenter le rapport de force entre les 1% les plus riches et les 99% restants ?

Une autre belle idée, celle d’Occupy George, est d’avoir collé des visualisations – grâce à des tampons-encreurs à la papa dûment bricolés – sur le support même qui circule le plus dans nos (99%) mains de consommateurs assoiffés pour finir dans les poches des 1% : le “George-Washington”, emblématique billet de un dollar.

Tiens d’ailleurs, pendant que l’on parle politique, économie et crise dans notre datarticle hebdomadaire, le New York Times nous gratifie d’un très beau travail sur la crise de l’Euro. Leur visualisation interactive met en évidence l’interdépendance des différents acteurs (actifs ou passifs) : It’s all connected.

En plus des chiffres propres à chaque pays (qui détient quoi ?), plusieurs onglets permettent d’explorer les différents aspects : des problèmes actuels aux risques de contagion en passant par les scénarios possibles.

Avant de vous remettre au boulot, allez jeter un œil sur l’outil développé par icosystem : Infomous. Pointé par l’excellent Simon Rogers, sur le datablog du Guardian, ce système propose un principe de navigation au sein de l’information assez novateur. Il permet de visualiser les sujets les plus importants, les plus partagés en temps réel en les organisant par mots-clés.

Des “galaxies” de “faits” se dessinent ainsi en donnant accès aux contenus en profondeur (les articles liés). Infomous est plutôt bien pensé car il intègre également quelques outils pour personnaliser cette visualisation : paramètres de la visualisation (zoom, nombre de sujets…), exclusion de mots, de types de mots, screenshot, embed ou encore choix des sources (malheureusement parmi une liste plutôt courte de 13 médias internationaux anglophones).

Inspirez, visualisez

Histoire de garder quelques belles images en tête, finissons sur de l’expérimentation, possible source d’inspiration.

Une première piste en matière de géolocalisation proposée par Zachary Forest Johnson (repérée sur Information Aesthetics). Pour faciliter la visualisation de nombreux points sur une vaste zone géographique, il a appliqué un principe délicatement nommé : “hexagonal binning” [PDF].

Le but est de diviser les zones contenant des data en hexagones différenciés graphiquement, par exemple avec des nuances de couleur, en fonction du nombre de points contenus dans la zone en question. Sur l’exemple de la répartition des magasins Wall-Mart sur le sol US, plus une zone contient de magasins, plus l’hexagone correspondant tire vers le clair, moins il y en a plus sa couleur est sombre. Le tout permet de simplifier la visualisation de données nombreuses sur un espace restreint.

Petit bonheur : HexBin, l’outil devéloppé par Zachary F. Johnson est disponible sur github et il peut s’utiliser sous forme de fonction d3.js et s’intégrer à PolyMaps.

Restons dans l’inspiration, allons prendre l’air. L’hiver approche, c’est l’occasion d’aller côtoyer les sommets enneigés mais même encordés, n’oublions pas les data. La raréfaction de l’air au niveau des 6,962 m d’altitude du Mont Aconcagua a sans doute inspiré le photographe Michael Najjar.

Il s’est servi de ses clichés comme base pour produire d’étonnantes visualisations : les chemins de crête dessinent les cours du Dow Jones, Nikkei, Nasdaq ou autres Lemhan Brothers.

Enfin, expérimentation totale. Si votre carte graphique supporte le WebGL, allez faire un tour sur le module wire.2x.io et amusez-vous ! Dessinez des courbes de data sur la grille et baladez-vous en 3D à l’intérieur à l’aide du clavier. Ça laisse rêveur…


Retrouvez les précédents épisodes des Data en forme !

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Entretien avec Simon Rogers, le Monsieur Data du Guardian http://owni.fr/2010/11/14/entretien-avec-simon-rogers-le-monsieur-data-du-guardian/ http://owni.fr/2010/11/14/entretien-avec-simon-rogers-le-monsieur-data-du-guardian/#comments Sun, 14 Nov 2010 10:03:27 +0000 Ziad Maalouf (Atelier des Médias) http://owni.fr/?p=35623 Il y a quelques jours, L’Atelier des Médias de RFI a profité du passage par Paris de Simon Rogers, “Monsieur data” au Guardian pour l’interroger sur son parcours et sur cette nouvelle tendance du journalisme : le data-journalisme ou journalisme de données. Simon Rogers édite le Data Blog du Guardian. Il a participé pour son journal à l’exploitation des fuites de Wikileaks sur l’Afghanistan et sur l’Irak. Malgré sa modestie et la simplicité avec laquelle il expose ses points de vue, c’est certainement une des principales personnalités et un des principaux moteurs du data-journalisme et de la visualisation de données dans le monde. Ci-dessous, une retranscription aussi fidèle que possible de cet entretien que vous pouvez également écouter en VO ou en VF dans les deux players sur le site de l’Atelier ou à télécharger (VF ou VO).

Ecoutez ici l’interview en VF:

Atelier des Médias (ADM) : Pour commencer, est-ce que vous pouvez nous présenter votre blog et nous parler de votre parcours?

Ce que nous faisons c’est publier des ensembles de données brutes. On les met à disposition du monde et on demande à notre public de s’en servir, d’en faire quelque chose. Parallèlement, on dirige un service au sein du Guardian qui analyse et rend exploitable des données par nos journalistes, c’est ce qu’on appelle en fait du data-journalisme, du journalisme de données : transformer une masse de données en information, en histoire qu’on peut raconter à nos lecteurs. J’ai commencé à travailler au Guardian le 10 septembre 2001, c’était mon premier jour ! Le lendemain, j’ai vu le monde devenir complètement fou. Il se passait tellement de choses en même temps qu’on a eu besoin de produire des infographies pour les expliquer. Il y avait trop d’infos, de données, à gérer pour confier cela uniquement à des graphistes. Je me suis donc retrouvé à bosser sur des graphiques avec des designers pour expliquer l’information avec des visuels. C’est comme cela que j’ai commencé à collecter des masses de données.

Par la suite, en mars 2009, le Guardian a lancé sa plateforme ouverte (open platform) destinées aux développeurs et aux technophiles. Elle leur permet d’interroger les données du Guardian et de réaliser des applications à partir de ces données. Par exemple, on peut fabriquer une application qui permet, quand on est dehors, d’entrer notre adresse et l’application nous dit quels sont les restaurants alentours avec les critiques du Guardian. C’est cela l’idée de la plateforme ouverte. Au moment où le journal a proposé ce service d’accès à ses données, on a pensé que ce serait bien d’ouvrir parallèlement un data blog, un blog de données. On a publié quelques paquets de données pensant que cela intéresserait un petit nombre de développeurs. En fait cela a vite décollé, c’est devenu un blog qui reçoit deux fois plus de visites que le département officiel des statistiques du Royaume Uni. Beaucoup de gens visitent notre site parce qu’ils cherchent des informations brutes sur, par exemple, les émissions de carbone dans l’ensemble du pays ou quelles aides a reçu le Pakistan en provenance de quel pays après les inondations. En fait, tout peut être envisagé comme des données.

On a par exemple publié tous les mots utilisés par les Beatles dans leurs chansons. Combien de fois ont-ils employé le mot « love » (amour) ? 613 fois figurez-vous. Tout peut être transformé en données. Et ce qu’il y a de magique, c’est qu’une fois que vous avez transformé quelque chose en chiffres et en tableaux, les gens peuvent s’en servir pour faire des visualisations, des graphiques et des analyses.

ADM : Quand on vous écoute, on a l’impression que c’est presque par chance ou par hasard que vous avez développé le journalisme de données dans votre journal, alors que c’est un phénomène qu’on voit prendre de l’ampleur dans beaucoup de médias. Comment cela s’est passé concrètement ?

En fait quand on a mis en ligne le data blog en mars 2009, c’était une thématique encore très confidentielle. Après cela, le gouvernement américain a lancé data.gov, et puis cela s’est étendu au monde entier. Depuis un an, de plus en plus de gouvernements publient leurs données. Ils ont maintenant une vraie pression qui les incite à rendre leurs données publiques dans des formats exploitables par tous. Plutôt que d’utiliser du .pdf, qui est le format traditionnellement utilisé par les gouvernements, on leur demande des formats exploitables comme le .csv ou .xls. En résumé, on a eu de la chance et puis il faut avouer qu’il y avait une tendance quand même. Les gens veulent de l’information brute.

Mon grand-père veut savoir le prix du pétrole, où puis-je trouver cette information ? Et comment savoir si ce sont des données fiables ? Par exemple au Royaume Uni, le PIB est une donnée très importante, c’est publié tous les mois. Si vous allez voir sur le site des statistiques officielles, vous allez trouver 9 ou 10 manières différentes de calculer le PIB. Comment savoir quelle est la bonne méthode ? Ça c’est une question qu’on s’est déjà posée au Guardian à laquelle on a déjà trouvé des réponses parce qu’on en a besoin, donc on partage notre savoir faire.

ADM : Comment vous voyez la relation du journalisme de données avec le journalisme en général ? Est-ce que cela doit être une partie du journalisme ou est-ce que cela doit être un peu partout ?

De mon point de vue, chaque sujet comporte une dimension « données » en lui. D’un point de vue technique, ce n’est pas si compliqué, ce doit être un outil de plus pour les journalistes. On ne doit pas envisager cela comme un machin insurmontable et flippant. C’est juste une autre manière d’accéder à l’information. En réalité, la plupart des choses que l’on fait sont très simples. On utilise des logiciels que tout le monde possède. On a tous un tableur sur notre ordinateur, Excel, OpenOffice ou quoi que ce soit d’autre. C’est un outil aux capacités extraordinaires. Pas besoin d’être mathématicien ou statisticien. Tout ce qu’il faut faire c’est traiter cela comme toute autre information : il faut douter, interroger et se poser des questions de base.

Carte géolocalisée et chronologique des bombes artisanales en Afghanistan

ADM : Une autre partie du journalisme de données, c’est ce qu’on appelle la visualisation, la manière de montrer ces données. Quelle relation vous voyez entre les données et la visualisation ?

Ce qui est intéressant là dedans c’est que par le passé, on avait tendance à garder les données pour soi. Aujourd’hui, on les publie et par conséquent, notre rôle est d’aider les gens à les interpréter, à les analyser, à les montrer. Dans certains cas, un petit tableau suffit ou même la mise en avant d’un chiffre clé ou la comparaison entre un chiffre et un autre. Parfois ce simple travail est suffisant mais, dans d’autres cas, on veut vraiment montrer ces chiffres physiquement. Pour ce faire, le mariage de la visualisation et des données peut avoir un impact très fort. Par exemple, dans le cas des fuites de wikileaks, on a cartographié toutes les bombes artisanales en Afghanistan de manière chronologique. Grâce à  cette visualisation, on comprend comment leur usage s’est multiplié et pourquoi c’est devenu un paramètre essentiel de la guerre. Seule la visualisation permet de montrer cela.

Maintenant, est-ce qu’il faut être un graphiste pour faire des visualisations ? Il y a plusieurs approches. Il y a des personnes qui sont avant tout journalistes et qui réalisent des visualisations comme David McCandless et son « Information Is Beautiful ». Il a une formation de journaliste, il n’est pas graphiste mais il a produit de très belles visualisations qui expliquent bien les choses. En revanche, il arrive qu’on ait vraiment besoin d’un graphiste pour réaliser une visualisation complexe.
Il existe, par ailleurs, des outils très simples, accessibles en ligne, qui permettent de réaliser des visuels : Manyeyes, Timetric et même Google propose des outils de visualisation que chacun peut utiliser pour raconter une histoire.

ADM : Pour clore cet entretien Simon Rogers, je voudrais évoquer avec vous deux tendances assez fortes aujourd’hui. La première concerne l’Opendata, on parle aussi d’open governement, c’est un mouvement qui incite les institutions et les gouvernements à ouvrir et rendre publiques le plus de données possibles. Qu’est-ce que vous pensez de cela ? Quelles sont vos attentes ?

C’est une évolution très intéressante. Il y a encore un an, on militait pour accéder aux données et aujourd’hui on croule sous les données que nous recevons. Par exemple, au Royaume Uni, le Trésor avait une base de données importante appelée COINS qui répertorie tout ce qui est dépensé par le gouvernement, dans le moindre détail, il y a des millions d’informations. Le nouveau gouvernement a rendu ces données publiques, on avait beaucoup milité pour ça. Il y a un an, on voulait accéder à ces infos, aujourd’hui on les a et il s’agit maintenant d’aider les gens à s’en servir, à les analyser. Donc ce qu’on a fait avec la base de données COINS, on a choisi le meilleur format, le .csv. On a choisi la meilleure période et les départements les plus faciles à comprendre et on a rendu l’ensemble plus intelligible.

Pour moi, le rôle des journalistes va, de plus en plus, ressembler à ça. Rendre les données accessibles et compréhensibles. Au Guardian, on propose aussi un service qui s’appelle World Governments Data Search, recherche de données gouvernementales dans le monde. Si vous tapez World Government data dans Google, on sort en premier. En fait notre service répertorie toutes les publications de données gouvernementales dans le monde et vous permet par exemple de faire une recherche sur le mot crime, vous aurez alors des chiffres des USA, du Royaume Uni, de Chicago, de Californie, de France euh non d’Espagne pas de France, de Nouvelle-Zélande etc…et vous pouvez aussi comparer ces chiffres. L’enjeu maintenant c’est de trouver une bonne manière de combiner toutes ces données pour permettre aux gens de les utiliser. Parce que les gens veulent faire des choses avec ces chiffres, chez eux, à la maison et on veut les aider pour faire partie de ce mouvement.

Dépenses gouvernementales du Royaume Uni par département 2009-2010

ADM : Et comment vous pourriez convaincre des États de rendre leurs données publiques ou des populations à inciter leurs États à le faire ? Qu’est-ce que ça apporte à des sociétés ?

Ce qu’il faut comprendre c’est que les gouvernants n’ont rien à perdre. Aux USA, au Royaume Uni, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, le monde ne s’est pas écroulé parce que les données gouvernementales ont été rendues publiques ! Cela a tout simplement rendu les choses plus ouvertes et plus transparentes à une époque où on ne fait plus confiance aux politiciens, on ne fait plus confiance à la politique. Vous voulez qu’on vous fasse confiance ? Il faut être ouvert. Rendre ses données publiques c’est essentiel pour cela, il faut le faire dans un format pratique pour encourager les gens à s’investir.

Quand Data.gov.uk a été mis en ligne, ils ont impliqués plein de développeurs pour permettre aux gens d’accéder à cette masse d’infos, pour moi c’est le rôle du gouvernement de faire ça. Il y a beaucoup d’exemples aujourd’hui que ceux qui militent pour l’ouverture des données peuvent utiliser pour montrer que les pays ne se sont pas effondrés à cause de l’open data. L’open data ne peut que renforcer la foi des peuples dans leurs gouvernants.

ADM: Pour finir, je voudrais parler avec vous de Wikileaks, ce site qui se sert de lanceurs d’alertes, de personnes qui divulguent des informations secrètes dans le monde et qui les diffuse. Vous avez été impliqués dans ce qu’on appelle les War logs en Afghanistan (et en Irak), qu’est ce que vous pensez de cela ?

C’est une nouvelle tendance du journalisme. Les journalistes vont devoir de plus en plus gérer des masses de données et trouver des infos et des histoires dedans. A l’avenir, un journaliste ne pourra plus dire « je ne m’occupe pas de tableurs… », cela fera vraiment partie de son boulot. Au Guardian, cela a vraiment changé notre manière de travailler. Aujourd’hui les données sont une partie intégrante de notre job. Maintenant, je pense que les infos de Wikileaks sont excellentes pour comprendre ce qui se passe. Si vous regardez les rapports divulgués sur l’Afghanistan, ils montrent à quel point cette guerre est difficile. Cela raconte notamment comment des gens tentent d’apporter de l’aide humanitaire dans un village et cela n’intéresse personne, parce que les villageois ont peur de la corruption etc…Il y a ce genre d’infos où on voit que les militaires se sentent responsables du bien être des populations locales. On finit en fait par se demander pourquoi l’armée ne publie pas ces rapports.

Il n’y a rien de sensationnel, ça ne change même pas la manière dont on perçoit cette guerre. Cela fait en tous cas de la guerre en Afghanistan une des plus documentées de l’histoire, grâce à ces fuites. Est-ce que cela a nuit aux États-Unis ? Pas vraiment je pense. Le gouvernement américain nous a aidé à retirer les noms cités dans les rapports pour ne pas mettre les personnes en danger.

ADM : Et sur le futur du secret, des choses secrètes, est-ce que cela pose une vraie question pour vous ?

Cela va être intéressant de voir comment les autorités gèrent cela. Il y a eu des menaces mais rien de très concret. Et puis il va y avoir bientôt de nouvelles lois de transparence et de protection du journalisme en Islande. Cela va devenir un abri pour les journalistes. Sur le même modèle que les paradis fiscaux, on aura des paradis journalistiques, des lieux protégés pour la liberté sur internet. Les gens iront là-bas pour publier des données sensibles.
En tous cas, Wikileaks a complètement changé le rapport que l’on a avec les documents que l’on produit, géographiquement notamment. Je pense en tous cas qu’à l’avenir ce type de fuites ne va faire que se multiplier.

>> Interview initialement publiée sur l’Atelier des Media de RFI.

>> Crédit photo : Jessica Chekroun (la photo n’est pas en Creative Commons)

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