OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Internet, terrain de rêve pour petits et grands menteurs http://owni.fr/2011/02/20/internet-terrain-de-reve-pour-petits-et-grands-menteurs/ http://owni.fr/2011/02/20/internet-terrain-de-reve-pour-petits-et-grands-menteurs/#comments Sun, 20 Feb 2011 14:30:32 +0000 Alexandre Léchenet http://owni.fr/?p=47631 Il doit certainement exister dans toutes les communautés en ligne un contrat implicite. Celui qui implique que pour recevoir de l’attention des autres, il faut donner en échange un peu de soi. Comme par exemple cette jeune fille qui partage avec tous les membres du forum Cheval Annonce une photo de son cheval. Ou cet homme qui parle fièrement de sa voiture sur Caradisiac.

Mais que se passe-t-il lorsque le véritable propriétaire du cheval signale que la bête en photo est la sienne et n’appartient pas à la jeune fille en question ? Lorsque l’on se rend compte que la voiture n’est qu’une photo prise sur un magazine ? “Le forum ressemble beaucoup à des espaces de rêve, explique Yann Leroux, psychologue s’intéressant aux mondes numériques. Ils permettent de se présenter différemment et facilitent l’imagination.” C’est donc assez naturellement qu’on peut être tenté de raconter sa vie telle qu’on la voudrait plutôt que la vie telle qu’on la vit. “Une vie par procuration.

Pour certains ce ne sont que des petits mensonges, pour d’autres ça devient vite une escalade. La seule manière de s’en sortir est de mentir un peu plus. Si on fouille un peu, on se rend compte que la jeune fille passionnée de chevaux ne fait pas que voler les photos, elle vole aussi le nom d’une association qui guérit les chevaux et invente au passage un nom, une vie et des défauts à ce cheval.

Une économie de la confiance

Et même si, comme on peut le lire sur un forum “sur Internet, c’est si facile de dire n’importe quoi!“, la personne qui a envie de raconter des histoires trouvera toujours une manière de le faire. Internet ne doit être vu que comme un outil. Peut-être est-il plus simple de s’inventer derrière l’écran. Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, estime que “beaucoup de gens font ce genre de choses mais qu’on n’en parle plus vraiment. Non pas que ça n’existe pas !“ Surtout que les forums, Twitter et toutes les autres communautés reposent sur une économie de la confiance où l’existence réelle n’est pas un paramètre important.

Le plus important au départ étant d’avoir une crédibilité. Sur Twitter, par exemple, on peut améliorer sa bio, s’inventer un métier qui justifie qu’on soit tous les jours sur le réseau, trouver des moyens de grappiller quelques centaines de followers, inventer des vacances. Tout est pour paraître encore plus crédible. Et tant qu’un nombre important de membres soutient la personne, tant que des gens seront prêts à la défendre contre ceux qui osent soulever les contradictions, son existence sera une vérité.

En se basant sur des communautés partageant les mêmes valeurs et les mêmes passions, l’histoire qu’invente la personne prend facilement. Elle touche chaque membre dans ce qu’il aime et permet de créer une vérité dans l’esprit des lecteurs. Internet amène aussi un amas gigantesque de ressources à disposition de l’évolution des mensonges. De plus, en respectant les codes attribués au récit de l’intime que sont les profils Facebook, les blogs ou les comptes sur les forums, la première réaction n’est pas de douter, mais d’écouter.

Est-il possible que Kaycee n’ait pas existé ?

Kaycee Nicole [en] était une jeune fille du Kansas. Elle raconte sur son site personnel, Living Colors, ses déboires de santé. Ils sont plutôt nombreux. Le principal est une leucémie dont elle finira par mourir le 16 mai 2001. Elle racontait ses peines, ses joies. Des milliers de gens suivaient les phases de sa maladie. Kaycee était apparue sur de nombreux sites jusqu’à ce qu’un auteur vivant à Hong-Kong lui propose de raconter sa maladie sur un espace qu’il lui installerait. L’auteur et la jeune malade discutent presque tous les jours, principalement par messagerie instantanée. Le weblog, comme on disait à l’époque, dure pendant deux ans, l’auteur postant régulièrement les textes, poèmes et illustrations proposés par la jeune fille.

Capture d'écran du weblog de Kaycee.

Le jour de sa mort, les internautes qui l’ont suivie souhaitent envoyer des messages de soutien, des fleurs. La mère adoptive de Kaycee, qui postait également de temps en temps, leur dit que Kaycee aurait préféré que tout soit envoyé à d’autres gens, en son nom. Et qu’elle ne ferait pas de Fondation non plus. En fait, Kaycee, après deux ans de lien et d’exposition quotidiens avec ses lecteurs, souhaitait avoir un repos éternel dans l’anonymat le plus complet. Ce profil bas, une crémation brusque deux jours après le décès et quelques autres détails commencent à soulever des inquiétudes. AcidRabbit pose enfin la question le 18 mai sur le forum MetaFilter [en]. “Est-il possible que Kaycee n’ait pas existé ?

Sur le fil de discussion, les différents enquêteurs se renomment les Scooby-Doos et découvrent qu’effectivement Kaycee n’existe pas et qu’elle n’est qu’une invention de Debbie Swenson, la “mère adoptive”. Son but n’était pas de blesser quiconque assure-t-elle. Elle voulait simplement raconter une histoire “positive” et s’était laissée emmener par son propre récit. La police locale et le FBI, mis au courant par des lecteurs en colère et déçus ont déterminé qu’il n’y avait pas lieu de condamner l’affabulatrice.

Münchausen par Internet

Ce cas n’est pas le seul et il est qualifié par des spécialistes états-uniens de syndrome de Münchausen par Internet [en] — le syndrome de Münchausen consiste à feindre des maladies pour obtenir l’attention du personnel médical —. Selon Yann Leroux, “ce qui apparaît comme un mensonge est plutôt une réappropriation. À travers ces histoires, il y a une tentative d’élucidation. La personne s’invente des maladies ou invente des proches malades pour faire passer des processus qui seraient normalement traités par son inconscient à travers le psychisme des autres.” Ce n’est pas un problème tant que ça reste sur Internet, que ce ne sont que des mots.

Mais parfois l’histoire peut déborder. C’est le cas récent d’une jeune fille. Appelons-là Héloïse. Trouvant un soutien important parmi la blogosphère française, Héloïse a décidé d’en profiter un peu. Elle raconte sa maladie, prend des photos, rencontre ses lecteurs et s’invente une sœur. Elle déclare un jour ne plus avoir un remboursement complet de la Sécurité Sociale, demandant implicitement des soutiens. Elle relaie les propositions de ses lecteurs qui courent pour elle. Elle est accueillie par ses amis à Paris. Elle reçoit des fournitures médicales, des peluches.

Mais les mensonges ne peuvent tenir très longtemps sans faille. Et dès lors qu’on cherche un peu, on peut remonter tous les fils. L’histoire de cette jeune fille est donc démontée petit à petit après quelques années d’escroquerie. Mise face à ses contradictions, elle déclare : “Comment veux-tu que je recommence ? Je suis trop connue sur les blogs de malades.

Sur LiveJournal, une plate-forme de blogs et forums, il existe une équipe de 6.000 personnes, fake_lj_deaths [en], qui s’est créée pour enquêter sur les nombreuses morts ayant lieu dans la communauté. La modératrice déclarait que [en] selon elle, seulement 10% des morts étaient réelles. Un des cas les plus frappant fut celui d’une jeune Londonienne de 18 ans, nommée limeybean, qui racontait sa tuberculose sur des forums de fans d’Harry Potter jusqu’à se faire mourir. Un étudiant en médecine un peu dubitatif a fait des comparaisons entre l’évolution normale de la maladie et l’histoire de limeybean pour décrire sur son blog en détail comment la jeune fille avait tout inventé.

La rumeur de ce mensonge grossissant, limeybean est revenue pour avouer son erreur.

L’histoire s’est un peu emballée et le seul moyen de m’en sortir était la mort. Lorsque j’ai réalisé l’effet qu’avait mon courage face à la maladie sur les gens, je l’ai utilisé pour tenter de remonter le moral des emos de LiveJournal et leur faire comprendre que leur vie n’était pas si triste. Le mensonge valait le coup, n’est-ce pas ? Quelle est la gravité d’un mensonge s’il peut aider ?

Après tout, le forum est avant tout un endroit où on va trouver des réponses à ses propres questions à travers les expériences des autres. “Le mensonge a fait les chamanes“, conclut Yann Leroux, signalant par cette phrase que les gens sont souvent contents de se nourrir des affabulations. Après tout, personne n’est obligé de croire tout le monde sur parole.

Photos CC Flickr par Tayrawr Fortune et à partir de neniza

Image de une Cc Flickr Gabriela Camerotti

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Baliser la relation patient-médecin sur Internet http://owni.fr/2010/08/05/baliser-la-relation-patient-medecin-sur-internet-2/ http://owni.fr/2010/08/05/baliser-la-relation-patient-medecin-sur-internet-2/#comments Thu, 05 Aug 2010 15:31:42 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=22758

Internet modifie la relation patient-médecin, une évolution positive mais la présence de médecins français sur le web est encore bien trop timide. C’est ce qui est ressorti du débat organisé par le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) sur “L’évolution de la relation médecins-patients à l’heure d’Internet” [PDF] en mai. Cependant certains aspects de la question suscitent parfois des points de vue divergents.

Le Cnom a bien avancé sur le plan théorique : il a proposé au printemps dernier une charte de conformité ordinale applicable aux sites des médecins [pdf]. Elle précise encore plus ses recommandations en matière de déontologie médicale émises en 2008 [pdf]. Rappelons avant d’entrer dans son détail qu’un médecin est déjà tenu de respecter le code de déontologie médicale quel que soit le média où il communique. Il sera ainsi toujours interdit de pratiquer la médecine comme un commerce (article R. 4127-19 du Code de la santé publique), ce qui interdit la publicité.

La position prudente du Cnom

La position générale du Cnom est claire : ne rien imposer mais proposer un guide. Libre à chacun de la respecter ou pas. Dans ce sens, il ne délivrera pas d’agrément. De même, il conseille seulement de demander la certification Health On Net officiellement chargée de cette partie par la Haute Autorité de Santé sans lui donner de caractère obligatoire. Sachant que si un médecin passe devant le conseil disciplinaire, le fait qu’il ait dérogé à ce cadre sera un élément en sa défaveur puisque les recommandations ont une valeur anticipatoire.

Le Cnom a réservé le nom de domaine .medecin.fr. Si un médecin veut y héberger son site, il devra respecter les principes de la charte de conformité ordinale, “très restrictive, qui ne va pas susciter l’enthousiasme : la fantaisie est interdite. C’est nécessaire, quitte à ouvrir ensuite“, indique le docteur Lucas, vice-président du Conseil de l’ordre en charge des technologies de l’information et de la communication. Pour les animation Flash et les couleurs acidulées, on repassera donc.

L’échange est strictement encadré, se limitant à une icône de contact pour prendre rendez-vous. “Il y a obligation de dialogue, le colloque singulier, c’est-à-dire la relation verbale entre un médecin et un patient, mais pas d’être scotché à la messagerie. Le médecin a autre chose à faire, cela parait dangereux“, explique le docteur Jacques Lucas. Par exemple, vous ne pourrez pas détailler vos symptômes. Sur le dialogue médecin/patient, le Cnom prône de façon générale une très grande prudence, en raison de la fragilité psychologique potentielle du patient.

Denise Silber, fondatrice de Basil Strategies, société de conseil en e-santé, comprend l’arrière-plan juridique qui a guidé ce point, mais “n’est pas sûre que ce soit une bonne chose d’exclure cette possibilité : il existe déjà des messageries. Cela doit évoluer dans le sens de l’échange. Les problème sont les mêmes IRL et en ligne.” De fait, il est déjà possible de dire à une secrétaire médicale voire à son médecin via un bon vieux téléphone de quoi l’on souffre.

De l’information statique

Il sera possible de donner de l’information mais avec des interdits : dans le cas de la chirurgie esthétique, par exemple, il ne sera pas possible de poster des photos avec “avant”/”après”. On ne s’étonnera pas que l’information statique soit recommandée. Forum, prudence…  “On ne s’improvise pas modérateur, les médecins le font sous leur responsabilité, avance Jacques Lucas. Nous-mêmes nous avons préféré de pas en offrir sur le site du Cnom.” Ils ne sont pas non plus ayatollesque puisqu’ils ne prônent pas la modération a priori.

Denise Silber trouve cette position “un peu limitative. La charte pourrait laisser la possibilité de faire d’autres choses qui ne sont pas dans la liste : faire un point de l’état d’avancement de sujets, faire des réflexions médicales. Il n’est pas évident que cela cadre avec la charte.” Elle estime aussi que l’interactivité pourrait être inclue : “Le médecin doit garder sa libre expression. Il devrait pouvoir répondre sur des sujets d’actualité. Et il pourrait y avoir un système de question-réponses entre médecins et patients.

Une opinion partagée par Marie-Thérèse Giorgio, de Médecins Maîtres-toile (MMT), une association de médecins-webmaster : “Un site statique a un intérêt limité, on souhaite de l’interactivité. La plupart des sites MMT ont un forum.

Prudence donc dans l’ensemble pour l’heure, mais qui peut se justifier par l’absence de jurisprudence disciplinaire. Le projet est entré dans sa phase concrète en juin avec l’ouverture d’une messagerie @medecin.fr. Ceux qui s’engagent à respecter la charte seront inscrits sur la liste du Cnom. Rendez-vous dans quelques mois pour voir si elle a du succès. Dixit le docteur Lucas, elle a été “bien accueillie dans l’ensemble.” Marie-Thérèse Giorgio ne pense pas que tous les médecins auront à terme leur site : “C’est chronophage, même si des sociétés font des sites clés en main. Que le médecin lambda préconise des sites d’accord, mais tous ne pourront pas alimenter, c’est utopique.

Lors du débat du printemps dernier, le docteur Lucas estime que la formation initiale des médecins et des praticiens de santé en général devrait plus intégrer les TIC qu’elle ne le fait actuellement. Un point de vue qui laisse songeuse Marie-Thérèse Giorgio : “La nouvelle génération n’en a pas besoin, c’est plutôt dans l’autre sens, cette réflexion semble déconnectée.” En revanche, faire de la formation continue lui parait plus pertinent. Le docteur Jacques Lucas précise que “le problème de la formation continue, c’est que les médecins qui détiennent le pouvoir dans ce domaine sont des anciens.” On arguera qu’un médecin peut de lui même suivre quelques cours sans en référer en haut. Par-delà la formation continue, le docteur Lucas a aussi insisté sur la nécessité d’investir dans l’équipement. Car contrairement à ce que l’on pourrait penser, tous n’utilisent pas la carte vitale et ne sont de fait pas obligés d’avoir un ordinateur dans le cadre de leur travail.

Certification: certes mais encore

Autre problème à résoudre, celui de la certification, méconnue et remise en cause. De façon générale, comment guider avec efficacité les patients vers des sources d’information fiable ?

La certification HONcode  sera-t-elle bientôt concurrencée par celle de MMT ? Marie-Thérèse Giorgio nous a indiqué que l’association envisageait de créer sa propre certification : “Nous sommes une structure indépendante, nous sommes bien placés, avec des médecins dans toutes les spécialités, qui connaissent le monde d’Internet“, justifie-t-elle.

Le docteur Lucas pense que les sites certifiés doivent “s’ouvrir aux incertitudes et ne pas asséner une information officielle trop stricte. Peut-on certifier un contenu sans reformer le saint office de l’inquisition ? C’est délicat. Nous allons y travailler avec le docteur Dupagne. La HAS a été interpellée par lui et l’ordre se dit qu’elle doit faire quelque chose.

Autre façon de faire le tri, la recommandation. La profession, qui bénéficie déjà de la crédibilité, a son rôle à jouer. Aussi bien MMT que le Cnom pensent que les médecins pourraient s’en charger, entre autres. Les sociétés savantes pourraient aussi flécher l’information pense Jacques Lucas.

Plus complexe -cela ne s’injecte pas-, le sens critique est aussi une façon d’éviter les charlatans qui trouveront toujours moyen de se faire héberger quelque part. L’école, les médias et les médecins devraient être en première loge pour aider à l’acquérir. “Il faut croire à l’intelligence collective, la communauté des lecteurs s’autorégule, et aux associations de patients, des forums dédiés à la maladie, c’est très bien” souligne aussi le docteur Lucas. Le site américain Patients like me a poussé la logique au bout, se présentant comme une plate-forme d’échange entre patients. Chaque pathologie a sa communauté : sida, épilepsie, cancer… En France, son équivalent devrait arriver en 2011, Entrepatients, géré par l’agence de communication Axense Santé(1)

Il indique aussi que “la presse spécialisée et professionnelle pourraient être un levier pour la diffusion de l’information et que les sociétés savantes mettent les publications en ligne et les ouvre, y compris au public. Et si l’État veut mettre de l’argent, qu’il fasse une bibliothèque en ligne. Il  existe déjà des bases mais elle sont réservées aux chercheurs universitaires.” Un peu de vulgarisation ne serait toutefois pas malvenue : tout le monde n’a pas un diplôme en la matière…

Être ami avec son médecin sur Facebook… ou pas

Terrain récent, les réseaux sociaux, et en particulier, l’incontournable Facebook, représentent aussi un important sujet à controverse. Le Cnom a émis une recommandation négative “qui devrait le rester” lorsqu’il s’agit de relations entre individus, plaçant les échanges réseaux sociaux sur le plan des relations personnelles. “Il faut contrôler le transfert et le contre-transfert, et éviter de créer une relation de dépendance affective voire amoureuse. La distance nécessaire, rappelle le docteur Lucas, pour cette raison, il est déjà déconseillé de soigner sa famille. On parlait de l’amour des patients, autrefois, cela transpire le paternalisme, je n’ai aucun amour pour mes patients“, lance-t-il sous forme de boutade. Bref, si un professeur peut être ami avec ses étudiants sur Facebook, il ne serait en être de même entre patient et son médecin. En revanche, mais pour mieux référencer le Cnom et intervenir sur les réseaux en tant qu’institution, ils réfléchissent à une présence.

Concernant Facebook, Denise Silber va dans le sens du Cnom : “À moins de restreindre son compte à de l’information professionnelle, ce n’est pas le lieu approprié de l’échange.” En revanche, les sites institutionnelles devraient intégrer les médias sociaux, car en être absent est maintenant “rédhibitoire”. Et de citer l’exemple de la grippe A : ces derniers avaient alors dépassés les premiers. Certes, mais intégrer pour intégrer mènera-t-il à quelque chose ?

Gérard Raymond se montre également réservé là dessus, pointant des dérives possibles, par exemple de la part de certains nutritionnistes qui deviennent des marques. Mais faut-il s’interdire un nouveau média, sous prétexte qu’il présente des risques ? Dans tous les cas, la bonne vieille déontologie médicale est là pour encadrer cet aspect, l’Internet n’est pas une zone de non-droit.

Et les risques de dérives déontologiques ne sont pas nés avec l’Internet : “Les sociétés savantes sont financées en partie par l’industrie pharmaceutique“, rappelle Denise Silber. “Les études des médecins payées en partie par les firmes“, rajoute le docteur Lucas.

Marie-Thérèse Giorgio se montre assez sévère sur le point de vue du Cnom : “Ces gens ne pratiquent pas, on a peur de ce qu’on ne connait pas. Le terme “ami” sur Facebook est différent du sens de la vraie vie. Il faut faire confiance, cela permet d’échanger avec des jeunes. Le Cnom est trop formel sur le web. Et un médecin peut bien être ami avec quelques-uns de ses patients sur Facebook, sans passer par son compte professionnel,  comme il l’est dans la vraie vie avec certains de ses patients… Cela ne concerne bien sûr qu’une infime minorité de sa patientèle…

À titre d’exemple, Valérie Brouchoud, présidente de Doctissimo, avait évoqué la possibilité pour un médecin de faire un groupe “Mes patients diabétiques” et échanger avec eux par ce biais.

Quid du Grand portail annoncé par Roselyne Bachelot ?

Au printemps dernier, Roselyne Bachelot a annoncé en mode “coup de communication” un portail national, sur le modèle du NHS anglais, regroupant Doctissimo, le portail de l’Assurance-maladie et le service «Priorité santé» de la Mutualité française (à ne pas confondre avec esante.gov, portail plutôt à destination des professionnels). Dans ce contexte, le lancement d’une “mission exploratoire” sur un “service public de conseil médical et d’orientation” était aussi annoncé, dont les conclusions étaient attendues mi-juillet. À deux reprises depuis  la mi-juillet, le service de presse du ministère n’a toujours pas répondu, et semblait moyennement au courant.

En tout état de cause, la proposition de script dérange. Le docteur Lucas estime “prématuré” que Doctissimo soit partenaire : “je n’en pense pas du mal : l’information basique n’est pas de mauvaise qualité. Sur les forums, on trouve quelques aberrations, mais une personne normale les repère, de même les trolls, grâce à l’autorégulation. Mais cela créé des craintes, même s’il n’est pas antinomique qu’un site à vocation lucrative (appartient à Lagardère depuis 2008, ndlr) donne de l’information de qualité. Mais on y trouve beaucoup de publicité, y compris pour produits sans efficacité avérée, ce qui pose des questions.

Il dénonce le danger d’une communication “à l’ORTF, un grand portail ça fait soviétique“, soulignant l’importance de la proximité. “Un portail d’accès oui, mais convivial, celui de la Haute Autorité de Santé (HAS) est aussi attractif que celui de L’Osservatore romano, celui de Doctissimo est attractif. Il faudrait avoir la possibilité de descendre en région, avec une liste des sites labellisés.” Point positif, la forte notoriété de Doctissimo fera remonter ce portail dans les moteurs de recherche. Et au moins l’argent ne sera pas dispatché. Vu l’importance du sujet, il va jusqu’à préconiser un débat public organisé par la HAS, avant que le Parlement ne légifère.

Sur ce sujet, Marie-Thérèse Giorgio rejoint le Cnom : “On en pense forcément beaucoup de mal : Doctissimo est lié à l’industrie pharmaceutique, ils ont de la publicité, c’est pervers de diffuser une information assimilée à la publicité. Nous n’avons rien contre les bases de données de Doctissimo, mais c’est une idée lancée vite, en s’inspirant de ce qui se fait à l’étranger (En Grande-Bretagne), il faut affiner le projet.” Denise Silber tempère : “Il peut s’agir de récupérer leurs bases, sans publicité. Cela permettrait d’agir rapidement.

En attendant, le site de l’assurance-maladie propose depuis mai de l’information santé, axée sur la prévention, et annonce que cette partie sera enrichie au cours de l’année.

Dans l’absolu, Internet ne connaissant pas de frontière, le Cnom avait indiqué en 2008 “souhaiter que s’établisse un travail plus large, au moins avec les autorités de régulation des autres États membres de l’Union européenne.” Il possède d’ailleurs un bureau à Bruxelles, et des rencontres avec des députés sont prévues. Autre solution : “laisser faire et appliquer le droit commun disciplinaire.” MMT et le Cnom devrait aussi avancer ensemble, à partir de la rentrée. Un point aura lieu au printemps prochain sur l’avancée sur ces questions à l’occasion d’un débat similaire à celui de mai dernier. On suit l’évolution du dossier de ce patient complexe.

Le site de HONcode ; le site de l’AQIS (Association pour la Qualité de l’Internet Santé)

Le site de Médecins Maîtres-toile ; le blog de Denise Silber, consultante e-santé

(1)sur Atoute.org, le docteur Dupagne vient de faire un article sur Entrepatients.net

Image CC Flickr andyde

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Baliser la relation patient-médecin sur Internet http://owni.fr/2010/08/05/baliser-la-relation-patient-medecin-sur-internet/ http://owni.fr/2010/08/05/baliser-la-relation-patient-medecin-sur-internet/#comments Thu, 05 Aug 2010 15:31:42 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=22758

Internet modifie la relation patient-médecin, une évolution positive mais la présence de médecins français sur le web est encore bien trop timide. C’est ce qui est ressorti du débat organisé par le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) sur “L’évolution de la relation médecins-patients à l’heure d’Internet” [PDF] en mai. Cependant certains aspects de la question suscitent parfois des points de vue divergents.

Le Cnom a bien avancé sur le plan théorique : il a proposé au printemps dernier une charte de conformité ordinale applicable aux sites des médecins [pdf]. Elle précise encore plus ses recommandations en matière de déontologie médicale émises en 2008 [pdf]. Rappelons avant d’entrer dans son détail qu’un médecin est déjà tenu de respecter le code de déontologie médicale quel que soit le média où il communique. Il sera ainsi toujours interdit de pratiquer la médecine comme un commerce (article R. 4127-19 du Code de la santé publique), ce qui interdit la publicité.

La position prudente du Cnom

La position générale du Cnom est claire : ne rien imposer mais proposer un guide. Libre à chacun de la respecter ou pas. Dans ce sens, il ne délivrera pas d’agrément. De même, il conseille seulement de demander la certification Health On Net officiellement chargée de cette partie par la Haute Autorité de Santé sans lui donner de caractère obligatoire. Sachant que si un médecin passe devant le conseil disciplinaire, le fait qu’il ait dérogé à ce cadre sera un élément en sa défaveur puisque les recommandations ont une valeur anticipatoire.

Le Cnom a réservé le nom de domaine .medecin.fr. Si un médecin veut y héberger son site, il devra respecter les principes de la charte de conformité ordinale, “très restrictive, qui ne va pas susciter l’enthousiasme : la fantaisie est interdite. C’est nécessaire, quitte à ouvrir ensuite“, indique le docteur Lucas, vice-président du Conseil de l’ordre en charge des technologies de l’information et de la communication. Pour les animation Flash et les couleurs acidulées, on repassera donc.

L’échange est strictement encadré, se limitant à une icône de contact pour prendre rendez-vous. “Il y a obligation de dialogue, le colloque singulier, c’est-à-dire la relation verbale entre un médecin et un patient, mais pas d’être scotché à la messagerie. Le médecin a autre chose à faire, cela parait dangereux“, explique le docteur Jacques Lucas. Par exemple, vous ne pourrez pas détailler vos symptômes. Sur le dialogue médecin/patient, le Cnom prône de façon générale une très grande prudence, en raison de la fragilité psychologique potentielle du patient.

Denise Silber, fondatrice de Basil Strategies, société de conseil en e-santé, comprend l’arrière-plan juridique qui a guidé ce point, mais “n’est pas sûre que ce soit une bonne chose d’exclure cette possibilité : il existe déjà des messageries. Cela doit évoluer dans le sens de l’échange. Les problème sont les mêmes IRL et en ligne.” De fait, il est déjà possible de dire à une secrétaire médicale voire à son médecin via un bon vieux téléphone de quoi l’on souffre.

De l’information statique

Il sera possible de donner de l’information mais avec des interdits : dans le cas de la chirurgie esthétique, par exemple, il ne sera pas possible de poster des photos avec “avant”/”après”. On ne s’étonnera pas que l’information statique soit recommandée. Forum, prudence…  “On ne s’improvise pas modérateur, les médecins le font sous leur responsabilité, avance Jacques Lucas. Nous-mêmes nous avons préféré de pas en offrir sur le site du Cnom.” Ils ne sont pas non plus ayatollesque puisqu’ils ne prônent pas la modération a priori.

Denise Silber trouve cette position “un peu limitative. La charte pourrait laisser la possibilité de faire d’autres choses qui ne sont pas dans la liste : faire un point de l’état d’avancement de sujets, faire des réflexions médicales. Il n’est pas évident que cela cadre avec la charte.” Elle estime aussi que l’interactivité pourrait être inclue : “Le médecin doit garder sa libre expression. Il devrait pouvoir répondre sur des sujets d’actualité. Et il pourrait y avoir un système de question-réponses entre médecins et patients.

Une opinion partagée par Marie-Thérèse Giorgio, de Médecins Maîtres-toile (MMT), une association de médecins-webmaster : “Un site statique a un intérêt limité, on souhaite de l’interactivité. La plupart des sites MMT ont un forum.

Prudence donc dans l’ensemble pour l’heure, mais qui peut se justifier par l’absence de jurisprudence disciplinaire. Le projet est entré dans sa phase concrète en juin avec l’ouverture d’une messagerie @medecin.fr. Ceux qui s’engagent à respecter la charte seront inscrits sur la liste du Cnom. Rendez-vous dans quelques mois pour voir si elle a du succès. Dixit le docteur Lucas, elle a été “bien accueillie dans l’ensemble.” Marie-Thérèse Giorgio ne pense pas que tous les médecins auront à terme leur site : “C’est chronophage, même si des sociétés font des sites clés en main. Que le médecin lambda préconise des sites d’accord, mais tous ne pourront pas alimenter, c’est utopique.

Lors du débat du printemps dernier, le docteur Lucas estime que la formation initiale des médecins et des praticiens de santé en général devrait plus intégrer les TIC qu’elle ne le fait actuellement. Un point de vue qui laisse songeuse Marie-Thérèse Giorgio : “La nouvelle génération n’en a pas besoin, c’est plutôt dans l’autre sens, cette réflexion semble déconnectée.” En revanche, faire de la formation continue lui parait plus pertinent. Le docteur Jacques Lucas précise que “le problème de la formation continue, c’est que les médecins qui détiennent le pouvoir dans ce domaine sont des anciens.” On arguera qu’un médecin peut de lui même suivre quelques cours sans en référer en haut. Par-delà la formation continue, le docteur Lucas a aussi insisté sur la nécessité d’investir dans l’équipement. Car contrairement à ce que l’on pourrait penser, tous n’utilisent pas la carte vitale et ne sont de fait pas obligés d’avoir un ordinateur dans le cadre de leur travail.

Certification: certes mais encore

Autre problème à résoudre, celui de la certification, méconnue et remise en cause. De façon générale, comment guider avec efficacité les patients vers des sources d’information fiable ?

La certification HONcode  sera-t-elle bientôt concurrencée par celle de MMT ? Marie-Thérèse Giorgio nous a indiqué que l’association envisageait de créer sa propre certification : “Nous sommes une structure indépendante, nous sommes bien placés, avec des médecins dans toutes les spécialités, qui connaissent le monde d’Internet“, justifie-t-elle.

Le docteur Lucas pense que les sites certifiés doivent “s’ouvrir aux incertitudes et ne pas asséner une information officielle trop stricte. Peut-on certifier un contenu sans reformer le saint office de l’inquisition ? C’est délicat. Nous allons y travailler avec le docteur Dupagne. La HAS a été interpellée par lui et l’ordre se dit qu’elle doit faire quelque chose.

Autre façon de faire le tri, la recommandation. La profession, qui bénéficie déjà de la crédibilité, a son rôle à jouer. Aussi bien MMT que le Cnom pensent que les médecins pourraient s’en charger, entre autres. Les sociétés savantes pourraient aussi flécher l’information pense Jacques Lucas.

Plus complexe -cela ne s’injecte pas-, le sens critique est aussi une façon d’éviter les charlatans qui trouveront toujours moyen de se faire héberger quelque part. L’école, les médias et les médecins devraient être en première loge pour aider à l’acquérir. “Il faut croire à l’intelligence collective, la communauté des lecteurs s’autorégule, et aux associations de patients, des forums dédiés à la maladie, c’est très bien” souligne aussi le docteur Lucas. Le site américain Patients like me a poussé la logique au bout, se présentant comme une plate-forme d’échange entre patients. Chaque pathologie a sa communauté : sida, épilepsie, cancer… En France, son équivalent devrait arriver en 2011, Entrepatients, géré par l’agence de communication Axense Santé(1)

Il indique aussi que “la presse spécialisée et professionnelle pourraient être un levier pour la diffusion de l’information et que les sociétés savantes mettent les publications en ligne et les ouvre, y compris au public. Et si l’État veut mettre de l’argent, qu’il fasse une bibliothèque en ligne. Il  existe déjà des bases mais elle sont réservées aux chercheurs universitaires.” Un peu de vulgarisation ne serait toutefois pas malvenue : tout le monde n’a pas un diplôme en la matière…

Être ami avec son médecin sur Facebook… ou pas

Terrain récent, les réseaux sociaux, et en particulier, l’incontournable Facebook, représentent aussi un important sujet à controverse. Le Cnom a émis une recommandation négative “qui devrait le rester” lorsqu’il s’agit de relations entre individus, plaçant les échanges réseaux sociaux sur le plan des relations personnelles. “Il faut contrôler le transfert et le contre-transfert, et éviter de créer une relation de dépendance affective voire amoureuse. La distance nécessaire, rappelle le docteur Lucas, pour cette raison, il est déjà déconseillé de soigner sa famille. On parlait de l’amour des patients, autrefois, cela transpire le paternalisme, je n’ai aucun amour pour mes patients“, lance-t-il sous forme de boutade. Bref, si un professeur peut être ami avec ses étudiants sur Facebook, il ne serait en être de même entre patient et son médecin. En revanche, mais pour mieux référencer le Cnom et intervenir sur les réseaux en tant qu’institution, ils réfléchissent à une présence.

Concernant Facebook, Denise Silber va dans le sens du Cnom : “À moins de restreindre son compte à de l’information professionnelle, ce n’est pas le lieu approprié de l’échange.” En revanche, les sites institutionnelles devraient intégrer les médias sociaux, car en être absent est maintenant “rédhibitoire”. Et de citer l’exemple de la grippe A : ces derniers avaient alors dépassés les premiers. Certes, mais intégrer pour intégrer mènera-t-il à quelque chose ?

Gérard Raymond se montre également réservé là dessus, pointant des dérives possibles, par exemple de la part de certains nutritionnistes qui deviennent des marques. Mais faut-il s’interdire un nouveau média, sous prétexte qu’il présente des risques ? Dans tous les cas, la bonne vieille déontologie médicale est là pour encadrer cet aspect, l’Internet n’est pas une zone de non-droit.

Et les risques de dérives déontologiques ne sont pas nés avec l’Internet : “Les sociétés savantes sont financées en partie par l’industrie pharmaceutique“, rappelle Denise Silber. “Les études des médecins payées en partie par les firmes“, rajoute le docteur Lucas.

Marie-Thérèse Giorgio se montre assez sévère sur le point de vue du Cnom : “Ces gens ne pratiquent pas, on a peur de ce qu’on ne connait pas. Le terme “ami” sur Facebook est différent du sens de la vraie vie. Il faut faire confiance, cela permet d’échanger avec des jeunes. Le Cnom est trop formel sur le web. Et un médecin peut bien être ami avec quelques-uns de ses patients sur Facebook, sans passer par son compte professionnel,  comme il l’est dans la vraie vie avec certains de ses patients… Cela ne concerne bien sûr qu’une infime minorité de sa patientèle…

À titre d’exemple, Valérie Brouchoud, présidente de Doctissimo, avait évoqué la possibilité pour un médecin de faire un groupe “Mes patients diabétiques” et échanger avec eux par ce biais.

Quid du Grand portail annoncé par Roselyne Bachelot ?

Au printemps dernier, Roselyne Bachelot a annoncé en mode “coup de communication” un portail national, sur le modèle du NHS anglais, regroupant Doctissimo, le portail de l’Assurance-maladie et le service «Priorité santé» de la Mutualité française (à ne pas confondre avec esante.gov, portail plutôt à destination des professionnels). Dans ce contexte, le lancement d’une “mission exploratoire” sur un “service public de conseil médical et d’orientation” était aussi annoncé, dont les conclusions étaient attendues mi-juillet. À deux reprises depuis  la mi-juillet, le service de presse du ministère n’a toujours pas répondu, et semblait moyennement au courant.

En tout état de cause, la proposition de script dérange. Le docteur Lucas estime “prématuré” que Doctissimo soit partenaire : “je n’en pense pas du mal : l’information basique n’est pas de mauvaise qualité. Sur les forums, on trouve quelques aberrations, mais une personne normale les repère, de même les trolls, grâce à l’autorégulation. Mais cela créé des craintes, même s’il n’est pas antinomique qu’un site à vocation lucrative (appartient à Lagardère depuis 2008, ndlr) donne de l’information de qualité. Mais on y trouve beaucoup de publicité, y compris pour produits sans efficacité avérée, ce qui pose des questions.

Il dénonce le danger d’une communication “à l’ORTF, un grand portail ça fait soviétique“, soulignant l’importance de la proximité. “Un portail d’accès oui, mais convivial, celui de la Haute Autorité de Santé (HAS) est aussi attractif que celui de L’Osservatore romano, celui de Doctissimo est attractif. Il faudrait avoir la possibilité de descendre en région, avec une liste des sites labellisés.” Point positif, la forte notoriété de Doctissimo fera remonter ce portail dans les moteurs de recherche. Et au moins l’argent ne sera pas dispatché. Vu l’importance du sujet, il va jusqu’à préconiser un débat public organisé par la HAS, avant que le Parlement ne légifère.

Sur ce sujet, Marie-Thérèse Giorgio rejoint le Cnom : “On en pense forcément beaucoup de mal : Doctissimo est lié à l’industrie pharmaceutique, ils ont de la publicité, c’est pervers de diffuser une information assimilée à la publicité. Nous n’avons rien contre les bases de données de Doctissimo, mais c’est une idée lancée vite, en s’inspirant de ce qui se fait à l’étranger (En Grande-Bretagne), il faut affiner le projet.” Denise Silber tempère : “Il peut s’agir de récupérer leurs bases, sans publicité. Cela permettrait d’agir rapidement.

En attendant, le site de l’assurance-maladie propose depuis mai de l’information santé, axée sur la prévention, et annonce que cette partie sera enrichie au cours de l’année.

Dans l’absolu, Internet ne connaissant pas de frontière, le Cnom avait indiqué en 2008 “souhaiter que s’établisse un travail plus large, au moins avec les autorités de régulation des autres États membres de l’Union européenne.” Il possède d’ailleurs un bureau à Bruxelles, et des rencontres avec des députés sont prévues. Autre solution : “laisser faire et appliquer le droit commun disciplinaire.” MMT et le Cnom devrait aussi avancer ensemble, à partir de la rentrée. Un point aura lieu au printemps prochain sur l’avancée sur ces questions à l’occasion d’un débat similaire à celui de mai dernier. On suit l’évolution du dossier de ce patient complexe.

Le site de HONcode ; le site de l’AQIS (Association pour la Qualité de l’Internet Santé)

Le site de Médecins Maîtres-toile ; le blog de Denise Silber, consultante e-santé

(1)sur Atoute.org, le docteur Dupagne vient de faire un article sur Entrepatients.net

Image CC Flickr andyde

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Serge Soudoplatoff: ||”Internet, c’est assez rigolo” http://owni.fr/2010/07/06/serge-soudoplatoff-internet-cest-assez-rigolo/ http://owni.fr/2010/07/06/serge-soudoplatoff-internet-cest-assez-rigolo/#comments Tue, 06 Jul 2010 14:25:25 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=19564
Depuis plus d’un quart de siècle, soit à peu près l’âge moyen de l’équipe éditoriale d’OWNI, Serge Soudoplatoff se consacre à Internet avec un amour débordant. Il le dit clairement sur son blog, avec l’enthousiasme franc, presque naïf, d’un early-adopter jamais déçu (?): La rupture Internet, sous-titré “la passion de Serge Soudoplatoff pour Internet“. Alors que les membres de la soucoupe jouaient encore aux LEGO, ce chercheur en informatique au centre de recherche d’IBM découvrait avec délice Internet. C’était en 1984, exactement.

Après un passage à l’Institut Géographique National (IGN), il devient directeur du centre de recherche en informatique chez Cap Gemini Innovation puis entre à la direction de l’innovation de France Telecom. Il est aujourd’hui à la tête de sa propre société, Hyperdoxe, qui fait du conseil en stratégie informatique.

Bref, un ponte cool, du genre à ponctuer ses mails par un smiley. Animé par une véritable passion pour les mondes virtuels et les serious game, il fait œuvre de pédagogie tant dans des articles approfondis que dans les cours qu’il assure à l’Hetic. Il prépare en ce moment la suite de son premier livre, Avec Internet, où allons nous?. Comme la question nous intéresse aussi, nous nous sommes connectés à Skype et avons échangé avec Serge Soudoplatoff.


OWNI: Au moment où vous découvrez Internet, on vous prend pour un fou ?

Serge Soudoplatoff: Fou, je ne dirais pas, les gens avaient plutôt l’impression que l’on se faisait plaisir. En 1984 très peu de gens parlait d’Internet. Moi je j’utilisais, je trouvais ça intéressant. On s’en servait et on trouvait ça assez rigolo en fait. Personne ne voyait vers où les usages se dirigeaient. Il fallait être assez visionnaire à cette époque pour voir ce qu’on pouvait en faire.

Les échanges avaient lieu uniquement parmi les membres de la communauté scientifique?

Il faut rappeler que dans les années 1980, seuls les centres de recherche étaient connectés. Le grand apport du Livre blanc d’Al Gore, publié en 1991, est d’avoir levé la contrainte d’un Internet réservé aux centres de recherche.

Internet s’est en effet développé au sein de communautés de chercheurs.

Maintenant, quand on browse le web sur l’histoire d’Internet, on trouve des chercheurs qui disaient dans les années 1960: “ça ne sert à rien de faire communiquer nos ordinateurs”. L’esprit visionnaire n’est absolument pas lié au fait qu’on soit un chercheur.

Spécimen préhistorique d'ordinateur personnel

La transition vers le paysage que l’on connaît actuellement s’est-elle faite par l’intermédiaire de ces mêmes passionnés?

Pour moi, ce qui fait qu’Internet prend un autre essor c’est la combinaison de deux éléments: l’invention du web par Tim Berners-Lee, (qui pour moi est une régression), et le fait que derrière Al Gore il y ait le capital-risque américain.

Au début des années 1990, c’est la déprime dans la Silicon Valley. Il n’y a plus la puce pour assurer des leviers de croissance extraordinaires. Tout le secteur de l’informatique au sens traditionnel du terme est déjà verrouillé.

Les Venture capital se posent la question de savoir où placer leur argent pour bénéficier des mêmes effets de levier. Arrive Internet et tout le travail qu’a fait Al Gore pour le libéraliser et investir en masse.

Fin des années 1990, ça allait jusqu’à 25 milliards de dollars par trimestre d’investis dans le high-tech. Aujourd’hui, on arrive à la même somme sur un an.

Internet est donc fondamentalement libéral au sens économique du terme ? Sans le libéralisme, Internet n’existerait pas ?

Sans le venture-capital. J’ai horreur des termes comme libéral ou libéralisme parce qu’on y met tout et n’importe quoi.

On peut revenir sur le fait que vous considériez l’apport de Tim Berners Lee comme une régession ?

Si vous voulez, le premier Internet est en p2p. C’est à dire en clair: mon ordinateur est connecté à ton ordinateur, mon adresse IP connaît ton adresse IP, et je peux aller chez toi comme toi tu peux aller chez moi.

Qu’est-ce que l’invention du web? C’est le retour vers une architecture client-serveur.

Le retour vers le modèle de la télé où au lieu d’accéder à l’ordinateur de quelqu’un d’autre, j’accède à du contenu. C’est une régression sur le plan philosophique. Ceci dit, je pense qu’il fallait passer par cette étape.

Pour moi, ce qu’on appelle le web2.0, c’est remettre du p2p dans le cadre d’une architecture client-serveur. D’ailleurs, les seuls logiciels qui sont vraiment dans la philosophie du début d’Internet c’est tous ceux qu’on veut empêcher: E-mule, Napster etc…

Il n’y a pas que moi qui le dit, les historiens de l’Internet vous diront la même chose. Régression est peut-être un terme un peu fort mais c’est vrai que d’un seul coup on revient vers le modèle de la télé…

Ici commence l'Interouèbe

En parallèle en France, le minitel a déjà bien décollé. Qu’est ce qu’on peut dire de cette exception française?

Alors d’abord, cela a commencé avec les BBS ((le Bulletin Board System est un serveur équipé d’un logiciel offrant des services d’échange de messages, de stockage et d’échange de fichiers via un ou plusieurs modems reliés à des lignes téléphoniques)) Si vous voulez regardez l’équivalent du minitel aux États-Unis ce sont les Bulletin Board Systems.

A quel moment, en tant qu’observateur privilégié, avez-vous senti qu’un des deux allait écraser l’autre?

Ce qui apparaissait de manière très évidente, c’est que le problème numéro 1 du minitel c’était son modèle économique.

Ce qui fait le succès d’un service n’est pas tant sa qualité  que son modèle économique.

Or, le modèle économique d’un paiement à la durée est un modèle qui in fine reste un frein pour le développement des usages.

Ceci dit, on peut analyser le gratuit sur Internet comme étant une guerre Yahoo contre AOL. Si on fait l’histoire du développement des BBS aux États-Unis, il faut savoir que l’appel local est gratuit, dans un cadre forfaitaire. Donc un BBS c’était un ordinateur-serveur sur lequel tout le monde se connectait. On y trouvait du chat, de l’e-mail et un peu de contenu: tout les services dits “de base”. Le seul problème c’est que quand j’étais à San Francisco je pouvais pas aller sur un BBS à Los Angeles, encore moins à New-York.

Qu’ont fait Compuserve et AOL? Grosso modo ils ont doublé les opérateurs de télécom: ils ont fait leurs propres tuyaux, et ont développé des Point of Presence (Un POP est une interface réseau (les fameux POP) . Du coup, tout le monde se connectait localement à un BBS mais avec des réplications de base de données. C’était finalement une manière de doubler les opérateurs de télécoms. Et comme ils voulaient pas faire payer à la durée, ils faisaient des abonnements sur la data.

Ensuite arrive Yahoo. Et que fait Yahoo dans les années 1990? Il fait la même chose mais en gratuit. La guerre du contenu gratuit s’est fait uniquement pour détrôner AOL et Compuserve. AOL a résisté, pas terriblement, et Compuserve est mort.

"Les gens n'ont pas de carte d'Internet. Ils cherchent. Faites en sorte qu'ils vous trouvent"

En tant qu’ancien membre de l’IGN, que pensez-vous du mouvement de spatialisation de la pensée auquel on assiste?

Ce que je peux dire, c’est que plein de gens ne savent pas lire les cartes. Quand je fais des conférences, j’emmène les gens dans le web, et je leur explique que pour moi, le véritable paradigme est que je les emmène sur une terra incognita. De moins en moins tout de même, mais l’idée est qu’on arrive sur une île où les gens parlent un autre langage etc.

Pierre Lévy et Michel Serres ont écrit des choses beaucoup plus approfondies que moi sur ces questions. C’est très intéressant sur le plan didactique. Ceci dit, beaucoup de gens ne sont pas du tout à l’aise avec la représentation cartographique. Dès fois, il faut savoir ne pas les utiliser.

Pour revenir sur cette idée de terra incognita, pensez-vous qu’on en soit encore là avec les développements récents des usages et pratiques de l’Internet?

Il existe encore évidemment plein de terra incognitas à découvrir. Ce qu’il y a de sûr c’est qu’on est bien loin des années 1990 où quand je faisais venir les gens chez moi pour qu’ils découvrent Internet, ils se trouvaient face à une véritable terra incognita. Ils découvraient les premiers ports. Altavista démarrait tout juste. Rien que ça pour les gens c’était fascinant. J’avais une copine colombienne qui découvrait qu’elle pouvait lire les nouvelles de son pays depuis chez moi: elle était ébahie.

Quand je montrais aux gens les newsgroups, je peux vous assurer que les IRC étaient des trucs que l’on montrait à peu de gens. Le langage était hermétique, personne ne comprenait.

On se plaint du langage SMS mais allez voir ce que c’est qu’un langage de geeks dans un forum IRC du début d’Internet

Aujourd’hui, je rencontre rarement quelqu’un qui n’a jamais été dans Internet. Les gens ont a minima un e-mail et ils ont surfé sur Google.

Les gros continents inconnus du moment, c’est quoi?

Par définition, je ne les connais pas (rires). C’est marrant parce que j’ai rarement vu les choses se faire comme les gens le prévoyaient.

Avant Twitter, on parlait très peu de web temps réel finalement. Tout le monde parlait de web sémantique.

Moi, je parle beaucoup de web virtuel, et puis c’est Twitter qui nous est tombé sur le coin de la figure.

Je pense que d’un côté, on observe tout le phénomène de débordement d’Internet dans les activités au quotidien: c’est santé 2.0, gouvernement 2.0 etc. D’un autre côté il y a toutes les choses auxquelles on ne songe pas souvent et qui ne sont pas forcément technologique: une des grandes terra incognita, c’est le local. Je n’ai aucun problème pour savoir ce qu’il se passe dans l’ambassade américaine à Téhéran. En revanche, on est dimanche, il est 19h55, je n’ai pas de pain, j’ai trois boulangeries en bas de chez moi qui ferment à 20h00 et je n’ai pas le temps d’aller les faire toutes les trois. Je veux savoir laquelle des trois a du pain: je n’ai pas ça sur Internet.

L’hyperlocal commence pourtant à émerger avec Foursquare ou dans le domaine de l’information…

Oui, ça commence, et il va y avoir une guerre sanglante entre Google et Pages Jaunes là dessus. Contrairement à ce qu’on pense, Pages Jaunes va dans le bon sens.

Vous décrivez Internet comme un mode de gouvernance en réseau et sans chef. Peut-on dire que cette vision est encore utopiste? Vous considérez-vous vous-même comme un utopiste?

Attendez, ce n’est pas une vision utopiste, c’est un constat que je fais: Internet s’est fait dans un mode de gouvernance anti-pyramidale. Je vous conseille de lire le livre Et Dieu créa l’Internet où il est bien dit que on regardait ce que faisaient les opérateurs de télécoms et on faisait exactement l’inverse.

La gouvernance de l’Internet telle qu’elle est aujourd’hui est très pratique.

On ne propose pas une norme si on ne propose pas un bout de code pour implémenter cette norme. Autant dire qu’on est loin de la logique “maîtrise d’ouvrage-maîtrise d’œuvre”. Internet est pragmatique.

Les forums, qui apparaissent maintenant un peu old-school, restent pour vous la quintessence du web?

Franchement, j’ai pas trouvé mieux pour illustrer le web2.0 que les forums de discussions.

C’est l’un des rares endroit où je vois s’échanger beaucoup de choses du quotidien qui débloquent énormément de situations.

Je ne parle pas des forums politiques par exemple qui sont bourrés de trolls, mais je parle des forums pratico-pratiques. Je parle des forums de bricolage, de matériel informatique. Mon chouchou c’est celui des enseignants du primaire: 89 000 profs qui se sont échangés 4,5 millions de messages. Je parle d’un autre de mes chouchous qui est le forum des gens qui ont des problèmes de thyroïde, bourré à la fois d’empathie et de sérieux.

Dedans, j’y vois du sens et de la richesse, ce que je n’observe pas dans Facebook, ou Linkedin.

Je n’ai pas trouvé plus bel endroit d’expression de l’échange horizontal des gens que les forums de discussions.

Ils sont bien installés et continue de croître et d’embellir. Doctissimo, le numéro un en France, c’est quand même un nouveau membre par minute, et c’est 2,5 à 3 millions de nouveaux messages par mois. A tel point que la ministre de la Santé veut faire un portail santé en s’en inspirant.

Vous dites également qu’Internet n’a rien inventé et qu’il a permis à des formes sociales qui préexistaient de se développer. Il permet également d’en redécouvrir?

Oui évidemment. La mutualisation en est un très bel exemple. Je suis beaucoup les sites de prêts en social-lending aux États-Unis. Ça se fait dans le monde entier sauf en France: merci à la règlementation bancaire qui empêche l’innovation, mais c’est comme ça.

Prosper, Circle Landing, PPDI en Chine: tous ces sites qui permettent aux particuliers de se prêter entre eux sont finalement une redécouverte de la tontine. C’est la tontine à la sauce Internet. On est proche du modèle de microcrédit développé par Mohammad Yunus.

Dans moins de dans ans, on aura aux Etats-Unis des sites de santé en p2p.

Moi je rigole parce qu’un site de santé en p2p c’est une mutuelle. Aujourd’hui, l’outil est là, je suis sûr qu’on va revenir à l’esprit mutualiste. On y est déjà.

Comment jugez-vous la Hadopi, la Loppsi, toutes ces lois qui tentent de restreindre la libertés des internautes?

J’essaye d’éviter de faire des comparaisons politiques de restriction de libertés. J’ai fait l’objet d’un débat récemment dans VoxPop avec Patrick Eudeline, qui est un musicien pro-Hadopi et très anti-Internet. C’était à mourir de rire. Il dit qu’Internet a tué la musique. Je trouve que pour tuer la musique, il faut y mettre le paquet et que Internet ne suffit pas.

Ce n’est pas le côté politique qui m’intéresse. Oui, il y a toujours eu des gouvernements qui ont voulu contrôler, d’autres qui ont plus laissé faire: ça, c’est la vie.

En revanche, là où Hadopi m’a gêné c’est par le fait que ça renforçait une ancienne forme et ça n’aidait pas à innover, à promouvoir une nouvelle forme. Grosso modo, si au lieu de se battre pour revenir à avant, les majors se disaient: “le monde évolue”, et se mettait à racheter des sites commes Sellaband, comme Mymajor etc… Si elles se mettaient en mode 2.0, là ce serait innovant.

C’est comme le social lending: circle lending qui était le numéro trois aux Etats-Unis a été racheté par Virgin et est devenu Virgin Money. Moi, ce que je trouve dommage avec des lois comme Hadopi c’est que finalement, ça empêche d’innover. On ne peut pas s’élever contre une loi qui est faite pour contrôler quelque chose de considéré comme hors-la-loi. C’est dommage.

On aurait mieux fait de faire coller la loi aux usages plutôt que de renforcer une loi du passé.

Sur les questions de privations de liberté, je laisse les autres le faire, la Quadrature s’en charge très bien. Mon débat se situe sur le plan de savoir comment un pays innove et se transforme.

Dans le cadre de votre activité de conseil, êtes-vous confronté aux difficultés des entreprises à passer au mode de communication horizontale qu’implique Internet? Et comment les aidez-vous à changer de paradigme?

C’est pas facile de changer de paradigme. Je cite toujours le cas “Lippi” que vous trouverez sur mon blog et celui de Billaut.

C’est une entreprise de gréage industriel de 300 personnes qui a fait la totale. La totale est un triptyque “structure-outil-comportements”. D’abord, Lippi forme les gens aux technologies du numérique (comportement). Ensuite, Lippi change sa structure, change entre autres le rôle du middle management et enfin, l’entreprise utilise les moyens modernes en interne: Twitter est la colonne informationnelle de l’entreprise. Quand on est 300 c’est déjà pas facile, à 30 000 c’est encore plus difficile.

De toutes façons, on sera obligés d’y passer puisque les clients, eux, sont déjà en mode réseau. Les jeunes collaborateurs qui arrivent aujourd’hui n’ont pas du tout la même culture, et les autres collaborateurs commencent à être gêné au quotidien.

Au quotidien aujourd’hui, on se doit d’être sur les réseaux sociaux, on se doit d’être sur YouTube

Quand on est dans des entreprise où tout cela est bloqué on arrive à un moment où finalement vous pouvez plus bosser efficacement. Il va donc bien falloir que ça change puisque c’est une bête question d’efficacité.

Cette analyse là peut-elle s’appliquer aux gouvernements et aux institutions? Le problème est-il franco-français?

Encore une fois, on va être obligé d’y passer, il n’y a pas le choix. C’est comme tout Internet, c’est anglo-saxon, c’est la culture communautaire. Cette culture est très peu développée en France, où plutôt seulement dans certaines zones.

On est pris dans un mouvement, on va être obligé d’y aller. Il faudrait que ça se fasse dans la souplesse, pas dans la tension.

Lors de votre intervention aux Ernest, vous avez résumer le dilemme ainsi mais sans y répondre me semble-t-il : face à la rupture Internet, est-ce qu’on se comportera comme des Egyptiens ou comme des Grecs? Dans votre conférence, on vous sent optimiste: l’êtes-vous vraiment?

Moi je dis aux gens: “c’est à vous de choisir”. Alors évidemment, comme je dis aux gens que les Egyptiens se sont effondrés et que les Grecs ont embellis et prospéré c’est dur. Je vais vous dire pourquoi je fais ça: à chaque fois que j’ai des gens qui sont réticents, qui me disent que tout ce que je dis c’est des bêtises, que le monde ne va pas évoluer comme ça, ma réponse c’est : “est-ce que t’es pas en train de nous la faire à l’égyptienne?”.

Je crois que c’est un choix individuel de toutes façons. La chance qu’on a aujourd’hui c’est que si on ne se sent pas bien en France, on peut aller ailleurs.

En même temps, Internet est une construction mondiale, il y a des normes internationales qui ne dépendent pas uniquement de chaque internaute.

Je vous rappelle que chaque internaute peut contribuer à l’IETF, l’Internet Engeneering Taskforce, qui est l’organisation qui fait le moteur d’Internet, qui fait les normes technologiques. Je vous rappelle qu’elle n’a pas d’existence juridique, et qu’elle se définit comme un ensemble flou qui réunit des gens passionnés par le sujet de faire évoluer la technologie Internet. Le tao de l’IETF c’est “nous rejetons les présidents et le vote, nos croyons au consensus grossier et au bout de code qui marche”.

Quels sont à votre avis les avantages et les risques pour un gouvernement à libérer ses données, de permettre à tout un chacun de les manipuler?

On peut raisonner entreprise: l’avantage c’est que d’un seul coup, tout doit mieux marcher… en théorie. Data.gov, c’est open311.org. C’est une ville qui ouvre ses API et laisse faire les programmeurs en acceptant de jouer le jeu.

Je suis une entreprise ou un gouvernement, d’un seul coup, le monde devient extrêmement complexe avec plein d’interactions. Comment je peux gérer cette complexité? En travaillant avec les gens. Contrairement à ce que pense beaucoup de gens, le crowdsourcing, c’est très bien. On dit, et qu’est ce que c’est franchouillard, que c’est faire travailler les gens sans faire payer. Je ne suis pas d’accord.

Il n’y a que la communauté qui peut gérer un bien commun.

Le premier gain qu’aurait un gouvernement à faire de l’opendata c’est de l’efficacité dans la gestion des choses au quotidien. Contrairement à ce qu’on pense, c’est pas les grandes idées qui font bouger les choses. La vérité, c’est “est-ce qu’on mon maire entretient et développe bien ma ville?”. Je vote pour celui qui est efficace, qu’il soit de droite ou de gauche.

L’opendata est avant tout une question d’efficacité.

N’y a-t-il pas un risque qu’il y ait trop de données, et qu’on arrive plus à en faire émerger du sens?

C’est l’effet longue-traîne. Vous raisonnez comme si il n’y avait qu’un seul point d’entrée . Tout le monde n’a pas besoin d’accéder à toute les données. Mais il faut le maximum de données, pour que chacun puisse les utiliser en fonction de ses centres d’intérêt.

L’opendata, c’est pas seulement ouvrir ses données, mais c’est ouvrir ses API

Autrement dit, j’accepte de faire un système d’information qui n’est pas fini et je laisse la communauté finir mon système d’information. Vous allez sur AirParif, vous pouvez télécharger les données, mais pas rentrer dans les API Airparif. J’aimerais que les programmeurs puissent attaquer les API d’Airparif.

En revanche, il faut effectivement une couche de la communauté entre les gens et les données. On ne peut pas mettre brutalement les gens en face des données. Le génie d’opendata et d’open311 c’est de mettre une couche entre les deux.

Je ne crois pas au marketing one to one, je ne crois pas au marketing de masse, je crois au cosdesign. Mais pas avec n’importe qui, avec des passionnés. Ce sont eux qui feront le relais entre les données, les gens et les usages.

Crédits photos CC FlickR: mikeleeorg, impresa.mccabe, FindYourSearch, codiceinternet, victornuno, bionicteaching.

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“Ma région vu d’ici”, des forums locaux lancés par Radio France http://owni.fr/2010/02/15/ma-region-vu-dici-des-forums-locaux-lances-par-radio-france/ http://owni.fr/2010/02/15/ma-region-vu-dici-des-forums-locaux-lances-par-radio-france/#comments Mon, 15 Feb 2010 15:49:39 +0000 Capucine Cousin http://owni.fr/?p=8204

Cette initiative de Radio France, dont m’a parlé le responsable, lors d’un brunch ce midi, m’a semblé tellement intéressante, et même innovante (qui plus est émanant d’un mastodonte tel que Radio France) qu’il m’a semblé intéressant d’en dire un mot ici.

Alors que les élections régionales approchent, Radio France Bleu a eu la bonne idée d’ouvrir, lundi dernier, le site MaRégionVudici. Un site qui fait l’objet d’une campagne de pub sur les radios du groupe, mais aussi, ces prochains jours, sur France Télévisions, en PQR, ainsi que dans Le Point, qui est partenaire. Il s’agit “d’une opération commune à l’ensemble des chaines du groupe , mais qui a pour vitrine logique, s’agissant des régions , France Bleu. L’opération durera 3 semaines, en amont des régionales”, m’expliquait mon interlocuteur. L’idée étant donc, via la vitrine France Bleu (la radio du groupe perçue comme la plus proche des gens, moins CSP ++ que France Info et Inter), de susciter le débat auprès des internautes-auditeurs à propos de leur région : sur le patrimoine, la qualité de vie, leur rapport à leur région, son dynamisme…

En creux, cela permettra de faire remonter aux élus (ou aspirants) un succédané des sujets de préoccupations de certains internautes-citoyens attentifs. Une initiative sans précédent, par laquelle Radio France teste une nouvelle manière d’utiliser le web, avec un aspect communautaire. J’aime bien cette idée de carte de France interactive : un clic sur une des régions permet d’accéder directement aux forums et questions soulevées par les habitants. Cette initiative n’est pas sans rappeler ce qu’expérimentent déjà plusieurs groupes de presse quotidienne régionale sur leurs sites web, comme Le Télégramme.

> Article initialement publié sur Miscellanees.net

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Le Oueb trois point zéro près de chez toi http://owni.fr/2010/01/27/le-oueb-trois-point-zero-pres-de-chez-toi/ http://owni.fr/2010/01/27/le-oueb-trois-point-zero-pres-de-chez-toi/#comments Wed, 27 Jan 2010 14:02:54 +0000 Agnès Maillard http://owni.fr/?p=7287

Au commencement, il y avait la socialisation par les pieds : tu connaissais surtout les gens qui vivaient autour de toi et parfois, un hirsute voyageur poussiéreux, débarqué de quelque obscure contrée, des histoires nouvelles et captivantes plein la besace.

HivernageTu parlais surtout avec les membres de ta famille, avec les voisins et aussi avec les autres gars du clan, surtout quand il y avait un pot à la caverne principale ou une bonne chasse ou une cérémonie un peu festive, avec les blagues salaces de tonton Norbert. Faut pas croire, tonton Norbert a toujours sévi, il ne date pas juste du mariage de ta cousine l’été dernier, il n’a pas d’âge, pas d’époque, il était déjà là avant même que le langage existe, je suis certaine qu’il mimait déjà sur son arbre des trucs inracontables en bonne société. Cela dit, on aime bien tonton Norbert, c’est juste qu’il faut avoir son humour bien chevillé au corps et qu’il convient de n’être pas un doux rêveur avec une opinion nettement minoritaire. Parce que dans ce cas, on avait vite fait de se sentir seul et de n’avoir plus qu’une envie : c’est prendre la route fissa, malgré les forêts elfiques, les trolls de grand chemin et les ombres hurlantes des fossés, quitte à devenir soi-même un vagabond hirsute et poussiéreux.

La première grande révolution humaine ne fut ni le feu, ni le fer, ni l’imprimerie, ni même la roue ronde (tellement plus pratique que la roue carrée), mais le courrier, c’est à dire quand il s’est trouvé des couillons pour porter tes mots au-delà des frontières naturelles de ton bled, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il chavire ou qu’il bandite de grand chemin. C’est beau le courrier, quand on y pense un peu ! La petite missive roulée sous les aisselles, cachetée de rouge baiser, la belle lettre d’amour dont les envolées lyriques arriveront peut-être à toucher le cœur de la belle jouvencelle lointaine un peu avant sa ménopause, le pli officiel qui, lui, ne se perd jamais en chemin, et le catalogue de La Redoute, l’ultime avatar de l’épopée postale, avec ses pages lingeries qui ont œuvré durant des générations à l’édification sexuelle et fantasmatique du jeune prépubère boutonneux au rire de rocaille.

Internet sera le monde des experts

En novembre 1998, je suis recrutée comme chargée d’études Internet et c’est mon chef de projet qui parle ainsi, un improbable croisement entre Michel Rocard pour l’élocution, Jacques Delors pour l’europhilie exacerbée et Philippe Gildas pour l’incomparable fraîcheur de son accent « french touch » quand il doit baragouiner en anglais auprès d’un de ses nombreux interlocuteurs de la division « Geeks » de la communauté européenne. À ce moment, Internet est encore plus géant qu’aujourd’hui parce qu’il est porteur de tous les espoirs, de tous les délires de village global que les vagabonds poussiéreux de mon espèce n’ont jamais portés. Internet, c’est le Far West, le monde des pionniers, des aventuriers, des défricheurs : tout est encore à inventer. C’est totalement bordélique, absolument exaltant et seuls quelques barjots qui marmonnent dans leur pipe arrivent à voir au-delà de la prochaine moraine.

L’avenir est dans les forums, c’est là que les gens trouveront les experts capables de répondre à leurs questions.

Michael a raison. On l’appelle Michael en hommage sournois à Michael Keal de CANAL+, private joke de geek dont l’origine s’est perdue pendant que le diable fumant usait des générations de kikis stagiaires avec ses fulgurances cybernétiques. Nous étions sa première portée de jeunes chiots enthousiastes. Le surnom lui est resté.
Comment seulement imaginer les forums sur Internet à l’époque des blagues de banquet de tonton Norbert ? La possibilité immédiate (enfin, dans la limite du débit disponible) d’accéder à des tas de gens qui ont les mêmes centres d’intérêt que toi et cela indépendamment de leur âge, de leur sexe et surtout de toute contingence géographique. Jusque-là, on fréquentait les gens que l’on pouvait rencontrer et on tentait de se trouver des obsessions communes. Et voilà qu’on doit trier dans la profusion d’entités capables de palabrer des heures durant et sans lassitude de la culture des ananas sous serre au Groenland, de la meilleure manière d’aborder la face sud du Pic du Midi ou des mérites et omissions comparées de la énième directive européenne.

Mais ce n’était que le Web 1.0, celui des mails, des forums et des sites perso. Le Net de papi, donc. Ce que Michael n’avait pas vu à travers l’odorant brouillard que sa pipe s’acharne toujours à alimenter au-dessus des claviers, c’est la révolution des réseaux sociaux, le fameux Web 2.0.

  • Perso, je ne vois pas l’intérêt de Facebook ou de Twitter.
  • Ben, ça te permet de créer du lien informel. Dans le cas de Twitter, par exemple, c’est comme si tu étais à la fois connecté à l’AFP du pauvre et au café du commerce.
  • Oui, je comprends bien comment ça fonctionne, mais ça ne m’intéresse pas du tout. Parce que c’est mon boulot et que je bosse pour gagner du fric et ça s’arrête là. Ce dont tu parles efface la frontière entre le boulot et la vie privée et ça, ça ne m’intéresse vraiment pas.

Plus de dix ans se sont écoulés depuis la farandole joyeuse des découvreurs du cyberespace. Maintenant, le Web s’est décliné en des centaines de métiers. Il y a des formations, des carrières, des prés carrés, des guerres d’influence, des tentatives d’OPA, de mises au pas, de contrôle des données ou des personnes. Je parle des réseaux sociaux avec un vieil ami qui est dans le flux jusqu’au cou, version résistant. Qui met gentiment le doigt là où ça fait mal. La fin de l’étanchéité des genres, les réseaux sociaux comme séduisant cheval de Troie qui transforme l’internet en extension permanente de ton bureau.

Les statuts des membres de mon réseau défilent toute la journée dans l’angle supérieur droit de mon écran, des centaines et des centaines de petites réflexions sur la vie politique et sociale, sur l’actualité, le temps qu’il fait, les conneries de la vie quotidienne, des coups de gueule, des scoops, aussi, parfois avant tous les médias traditionnels, des liens, des tas de liens, vers des tas d’articles, sur la bouffe, le droit, la politique, l’actu, le cul, des photos, des vidéos, des chansons. Tiens, @Machin rentre de Phnom Pen et @Bidule est coincée sur le périph’ intérieur. Et @Trumuche répète que @lourdingue a changé de couleur politique. Denis Hooper est mort. Non, trop tôt. Finalement, c’est Rohmer qui a cassé sa pipe pendant que la terre tremble en Haïti. Les informations se succèdent et se ressemblent toutes dans un gros brouhaha informe. Le web 2.0 a tenu l’une de ses promesses : il a aboli toute hiérarchie entre ses membres.

Du coup, tout est égal, rien n’est plus important qu’autre chose. La difficulté devient autre : comment remettre les choses à leur place, comment distinguer le vital de l’important, le crucial du futile ? On crée du lien, on oublie l’heure et on oublie surtout que si on suit notre réseau, notre réseau nous observe en permanence. Le soleil ne se couche jamais sur le Web 2.0 et notre vie privée se peopelise sans que nous en tirions un quelconque bénéfice.
Mon ami a bien raison de se méfier : à force de transparence et de convivialité, on se retrouve à poil sur le Net et on perd de vue l’essentiel, à savoir bien compartimenter notre vie, ne pas mélanger les genres et continuer à cultiver les relations vraies en lieu et place des affinités superficielles.

L’avenir, c’est la géolocalisation

Michael n’a rien perdu de son enthousiasme prophétique. Il avait à peu près raison, mais peut-être pas exactement comme il le pensait. Il continue à défier la loi et les convenances avec son fumigène portatif et déclenche régulièrement les cris stridents des détecteurs de fumées des salles de réunions qu’il embrume comme s’il voulait en faire sortir un renard.

Comme tout système, Internet est dans une phase de repli après une gigantesque vague d’extension. Google est devenu Dieu en inventant l’omnipotence et l’ubiquité informatique. L’homme numérique s’est dilaté bien au-delà de ses aptitudes physiques et il aspire à présent à se relocaliser. Les réseaux mondiaux accouchent de boucles locales, les systèmes d’échange international développent le troc géolocalisé, les sites d’informations générales recherchent des sources locales pour réinventer la proximité, les purs esprits du web se donnent des rendez-vous IRL (In Real Life => dans la vie réelle) pour retrouver le plaisir incomparable d’une bonne chopine fraîche partagée sur un coin de table. Même les usines ont envie de rentrer à la maison. Le monde entier se relocalise sous les assauts de la tempête de la crise. On retrouve le plaisir de refaire son marché à la fraîche.

Tonton Norbert revient à la mode. Le monde reprend une dimension humaine, même si certaines frontières sont définitivement tombées, tout au moins dans nos esprits.

» Article initialement publié sur le Monolecte

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