OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La résistible ascension des nouveaux barbares http://owni.fr/2011/06/01/la-resistible-ascension-des-nouveaux-barbares/ http://owni.fr/2011/06/01/la-resistible-ascension-des-nouveaux-barbares/#comments Wed, 01 Jun 2011 06:50:00 +0000 Henri Verdier et Christophe Stener http://owni.fr/?p=65491 Ci-joint un petit texte concocté avec mon ami Christophe Stener, portant sur les objectifs et la stratégie des nouveaux barbares, invités d’honneur du e-G8, et sur les réponses possibles pour nos entreprises matures.

Après 800 ans de domination sans partage, les Romains furent emportés par une vague de barbares venus de plus loin et dont ils n’ont pas su dominer les attaques rapides, mobiles, sans respect des règles habituelles du combat lourd que maîtrisaient leurs phalanges…

Les entreprises leaders de l’économie du XXe siècle sont-elles condamnées à subir le même sort ? Les nouveaux entrants, nés dans Internet (“Internet natives”) que sont les Google, Facebook, Apple, Amazon, semblent en effet avoir la même mobilité, la même ambition et le même dédain pour les règles classiques que les anciens barbares.

Prisonniers du “brick and mortar”

Face à ce déferlement, les entreprises matures, leaders mondiaux de leurs secteurs, ont compris et intégré une partie des technologies numériques – en particulier le commerce électronique et le marketing viral. Mais elles restent quand même prisonnières de modèles “brick et mortar”, sans pouvoir ou savoir reconstruire toute leur chaîne de valeur par rapport au e-client. La stratégie multicanal est un bon exemple. Indispensable, elle n’est pourtant qu’un “barrage contre le Pacifique” contre ces “nouveaux barbares” qui pillent les chaînes actuelles des acteurs traditionnels.

Les entreprises les plus directement touchées sont celles qui vendent des biens et services aux particuliers (“Business to Consumers”). Leur capital est composé de leur marque, de leur réseau commercial, de leur savoir-faire métier… mais surtout de leur capacité à capter, à satisfaire et à conserver leurs clients. Le client est le capital le plus précieux mais aussi le plus fragile de l’entreprise. La relation avec le client est de plus en plus nouée et fidélisée par les nouveaux outils numériques : mailings ciblés, liens commerciaux sur les sites de recherche ou communautaires, galeries marchandes sur ordinateur et sur téléphones “intelligents” (smartphones), offres groupées avec d’autres partenaires (bancaires, tourisme, assureurs,…), cartes de fidélisation et de paiement…

Les entreprises “brick et mortar” ont compris qu’Internet était le média majeur au XXIe siècle.
C’est justement sur ce lien entre l’entreprise et le client que les “nouveaux barbares” ont décidé de devenir les points de passage obligés pour vendre leurs propres biens et services concurrents des entreprises “classiques” et/ou faire payer à celles-ci des droits de péage, nouvelle forme de droit d’octroi numérique.

Pour ce faire ils ont deux leviers irrésistibles : une immense base mondiale de clients, fidélisés à travers de véritables rituels quotidiens – 700 millions de comptes Facebook, 200 millions de comptes iTunes, 37 millions de visiteurs Google par mois… – et une accessibilité démultipliée par tous. les terminaux Internet (ordinateurs, smartphones, tablettes, et demain téléviseur connecté…) Exploitant ces deux leviers, ils déploient une stratégie d’encerclement en investissant de nouveaux métiers (banquier, opérateur télécom, régie publicitaire, fournisseurs de contenus notamment) recherchant systématiquement les niches “over the top”, celles au rendement maximal. La martingale est l’intégration complète de la chaine de valeurs sur le modèle Apple (fournisseurs de matériels, de logiciels, de sites marchands et de contenus).

Les barbares ne copient pas, ils créent de nouveaux rites

La puissance de ces nouveaux barbares est immense : ils sont très riches. Apple est en passe de devenir la première capitalisation boursière au monde. Ils développent de nouvelles activités en utilisant la valeur marginale de leurs gigantesques infrastructures Internet et leurs très faibles coûts d’exploitation. Twitter compte un salarié pour 750.000 abonnés, par exemple.

Reprenant les leçons des aînés, tel Microsoft par exemple; ils acquièrent à prix d’or des start-up pour investir de nouveaux territoires en gagnant le temps de la R&D et en construisant des barrières à l’entrée pour leurs concurrents. Apple, Google, Amazon, Facebook investissent massivement aujourd’hui dans le business du loisir en ligne pour prendre des parts de marchés, futures rentes à terme.

Ces nouveaux acteurs ne visent pas à concurrencer les “chaînes de valeur” traditionnelles. Ils “encapsulent” les activités traditionnelles en laissant les activités les moins rentables, celles du monde réel (logistique en particulier) aux acteurs installés. Ils créent de nouvelles expériences utilisateur et, si possible de nouveaux rites, de nouvelles pratiques sociétales. Facebook, Amazon, Google suivant les traces d’Apple, se lancent tous dans la commercialisation d’offres de musique, de cinéma, de livres en streaming, c’est-à-dire en consommation en flux sans stockage local, en s’appuyant sur les architectures de cloud computing envoyant le flux de contenu vers tous types de terminaux Internet.

Apple ne dissimule pas son ambition de devenir opérateur téléphonique pour pouvoir émettre des puces de téléphones virtuelles qui enlèveront aux opérateurs classiques leur principal actif. Les opérateurs téléphoniques seront réduits à un rôle de réseaux de transport passifs. Ne disposant plus de connaissance des clients qui transitent sur leurs fibres, ils ne pourront plus commercialiser les bouquets de services, seul vrai revenu qui permettent aussi d’équilibrer le subventionnement des terminaux. Ce financement systématique, qui fait que 40 % des nouveaux téléphones sont connectés à Internet, est à terme suicidaire car ce sont autant de chevaux de Troie à partir desquels les Apple, les Google, vont lancer leur guerre de conquête des bases clients. L’investissement massif de Google dans Android, qui va être rapidement le système d’exploitation dominant des smartphones, s’inscrit dans une stratégie cohérente à vue longue.

Facebook veut devenir le premier site commercial venant se confronter aux acteurs historiques comme eBay et procède à des acquisitions ciblées pour se doter de capacités de régie commerciale Internet dans un combat frontal avec Amazon et Google. La maîtrise d’un corpus de données sans précédent, et l’investissement dans le traitement des “big data” ne tarderont pas à jeter aux oubliettes les anciennes approches du marketing et de la communication.

Groupon, âgé d’à peine trois ans, a une valorisation estimée à 15 milliards de dollars en proposant au petit commerce de jouer sur les stratégies promotionnelles des grandes enseignes. Foursquare, qui a rassemblé 8 millions d’utilisateurs en trois ans, explore un marché de la donnée personnelle géolocalisée qui, d’après McKinsey, devrait générer 100 milliards de dollars de revenus pour les opérateurs avant 2020.

Quel avenir pour les indigènes du web ?

Face à cette irruption des nouveaux barbares dans leurs métiers, les acteurs de l’ancienne économie, celle du “brick and mortar”, ont deux options.
L’une est la recherche de la moins mauvaise alliance avec l’un de ces barbares : c’est un peu celle de Canossa et les déséquilibres des acteurs rendent un accord d’égal à égal peu probable. La difficulté de négociation par les opérateurs téléphoniques des conditions de commercialisation des iPhones alors qu’Apple lorgne sur l’ARPU même des clients le montre assez.
L’autre est de se transformer en “pervasive company” développant un soft power. Une pervasive company est une entreprise qui est en rapport constant avec ses clients à travers tous les médias numériques (ordinateurs, téléphones, télévision), une expérience utilisateur riche et nouvelle et un soft power qui est l’adhésion du client à la marque. Seules les entreprises capables de remettre en question structurellement leur rapports à leurs clients, de faire du numérique le cœur de leur relation commerciale et d’adopter résolument de nouvelles stratégies de création de valeur pourront avoir l’ambition de choisir cette voie.

Mais il faudra pour cela renoncer à bien des certitudes héritées du XXe siècle. Faute de quoi, tous les G8 du monde ne seront que procrastination…


Article initialement publié sur le blog d’Henri Verdier.

Illustrations CC FlickR: Vimages, Vimages, joe.ross,

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Spotify: le ver(t) dans la Pomme? http://owni.fr/2010/10/26/pourquoi-apple-a-raison-davoir-peur-de-spotify/ http://owni.fr/2010/10/26/pourquoi-apple-a-raison-davoir-peur-de-spotify/#comments Tue, 26 Oct 2010 12:50:25 +0000 Philippe Astor http://owni.fr/?p=27383 Philippe Astor, journaliste spécialiste de l’industrie de la musique, a co-fondé le site Electron Libre et est blogueur sur digitaljukebox.fr.

Les performances de Spotify en Europe ont de quoi inquiéter Apple, alors que se profile son lancement aux États-Unis. Le service de streaming suédois dispose en effet de nombreux atouts susceptibles de remettre en cause le leadership d’Apple à domicile. Au point que la firme américaine envisage sérieusement de lancer son propre service de streaming sur abonnement, histoire de prévenir une hémorragie de ses 100 millions de clients américains.

Apple serait en train de se convertir au modèle de l’abonnement. Selon des sources citées par le New York Post, Eddy Cue, le patron d’iTunes, multiplie depuis quelques semaines les contacts avec les exécutifs de l’industrie musicale aux États-Unis, pour parvenir à une entente avec eux. Le projet de la firme de Cupertino serait bien de lancer un service de streaming sur abonnement donnant accès, avec son logiciel iTunes et pour le prix d’un forfait mensuel, à un catalogue étendu de plusieurs millions de titres.

Steve Jobs, le PDG d’Apple, a toujours décrié ce modèle, mais deux contingences pourraient justifier une subite conversion de la Pomme : le tassement des ventes de musique en téléchargement aux États-Unis, principal marché d’iTunes, au premier semestre 2010 ; et la perspective de voir débarquer sur le marché américain, d’ici la fin de l’année, un concurrent redoutable en la personne du suédois Spotify.

La montée en puissance de Spotify est pour le moins phénoménale. Au mois de janvier dernier, le service de streaming freemium revendiquait 250 000 abonnés en Europe, essentiellement répartis entre Suède et Royaume-Uni. A l’époque, le ratio entre nombre d’abonnés et nombre d’utilisateurs de son service gratuit financé par la publicité n’était que de quelques pour cent, c’est-à-dire encore ridiculement bas aux yeux des maisons de disques américaines ; très en-deçà, en tout cas, des 10 % de taux de conversion en utilisateurs payants qu’elles exigeaient. Neuf mois plus tard, Spotify a passé la barre des 600 000 abonnés, avec un taux de conversion qui est désormais de 15 %, selon des statistiques internes auxquelles nous avons eu indirectement accès.

500 000 nouveaux abonnés en l’espace d’un an

Spotify est bien parti pour atteindre son objectif de 770 000 abonnés en Europe à fin 2010, et pour avoir plus que triplé leur nombre en un an. A titre de comparaison, le pic d’abonnés à des services de streaming aux Etats-Unis, depuis quatre ou cinq ans, n’a jamais dépassé le million et demi. Un record que Spotify pourrait avoir battu à lui tout seul en Europe d’ici la fin 2011. Le lancement de la version mobile de Spotify, en septembre 2009, a été un premier facteur déclencheur. Puis, la progression du taux de conversion s’est accélérée avec l’intégration de fonctions de partage de playlists via Facebook et Twitter, en avril dernier. Mais aussi avec le lancement du player permettant d’écouter sa bibliothèque de fichiers MP3 personnelle avec le logiciel de la start-up, qui s’est ainsi transformé en véritable jukebox universel digne de rivaliser avec celui d’Apple.

La marge de progression de Spotify reste en outre très importante, notamment sur les cinq marchés européens où sa pénétration reste encore faible et est promise à une forte progression (France, Espagne, Finlande, Norvège et bientôt Pays-Bas). D’autant que plus les internautes utilisent le service gratuit depuis longtemps, plus leur taux de conversion en abonnés est élevé. Au mois de juillet dernier, il était supérieur à 17 % pour les utilisateurs ayant rejoint le service en février 2009, de 12 % pour ceux l’ayant rejoint en avril 2009, de 8 % pour ceux l’ayant rejoint entre juillet et octobre 2009, et inférieur à 5 % pour ceux qui ne l’avaient adopté qu’en janvier 2010. L’objectif de Spotify est de doubler son taux moyen de conversion des « free users » en abonnés dans les 12 mois qui viennent, pour atteindre les 30 %.

Afin de s’assurer d’atteindre cet objectif, Spotify permet depuis le mois de mai dernier d’ouvrir un compte gratuit directement, et non plus uniquement sur invitation. Une offre limitée à 20 heures d’écoute par mois, qui vise à répondre à une demande en très forte progression, tout en contrôlant la croissance des usagers. Le pari est le suivant : les non-abonnés investissent beaucoup de temps dans la construction d’une librairie musicale personnelle sur Spotify (elle est en moyenne de 100 titres au bout de trois mois d’utilisation du service, et de 500 titres au bout de 17 mois) ; ce qui augmente leur fidélité et leur propension à s’abonner. D’autant que la tranche d’âge la mois assidue (les 45-54 ans) écoute en moyenne 300 titres par mois. La limite des 20 heures d’écoute est donc très vite franchie par la plupart des utilisateurs.

63 % des abonnés premium ont moins de 33 ans

Le lancement concomitant d’une offre Spotify illimitée sur le PC à 4,99 € par mois (sans accès au service sur les mobiles ni possibilité d’écoute hors connexion) a contribué à augmenter le taux de conversion en abonnés sans affecter la progression du nombre d’abonnés au service premium complet. En l’espace de quatre mois, Spotify avait recruté 56 000 abonnés à cette nouvelle offre de base et, dans le même temps, le nombre d’abonnés premium était passé de 404 000 à 516 000. La start-up envisage par ailleurs de multiplier les accords de bundle avec les opérateurs de télécommunications, tel celui passé avec Telia en Suède et en Finlande, qui a eu un effet direct sur la hausse du nombre d’abonnés.

Une fois qu’il est abonné, le nombre de titres écoutés par chaque utilisateur tous les mois augmente considérablement. Il franchit la barre des 500 titres par mois pour les 45-54 ans, et passe de 500 à 600 titres par mois à plus de 800 pour les tranches d’âge les plus assidues (les 9-14 ans et les 15-17 ans). Spotify a par ailleurs pour vertu de séduire dans des proportions remarquables les jeunes générations, qui sont les moins enclines à payer pour accéder à la musique sur Internet. Ainsi 28 % des utilisateurs premium ont-ils moins de 24 ans. Et les 18-33 ans représentent 63 % des abonnés premium.

Enfin, une autre vertu de Spotify est de favoriser la vente de musique en téléchargement. Aucune statistique n’est disponible sur les ventes générées sur We7 depuis la mise en place d’un partenariat avec la plateforme britannique, mais c’est un aspect que le service de streaming compte nettement améliorer dans les mois qui viennent, en proposant notamment des bundles. L’ambition de Spotify est clairement de devenir à la fois une plateforme de découverte, à travers son offre de streaming, et une plateforme de téléchargement.

Un redoutable concurrent pour la Pomme

Dans ce domaine, le cercle vertueux que parviennent à créer les services de streaming, dont on craignait qu’ils ne cannibalisent les ventes en téléchargement, ne fait plus aucun doute, à l’image des performances de Deezer, premier affilié d’iTunes en France et troisième en Europe. Tous ces éléments tendent à valider la pertinence du modèle freemium que Spotify cherche à exporter aux Etats-Unis, face auquel les majors américaines ont jusque-là fait de la résistance ; ce qui explique le retard pris par le lancement du service outre-Atlantique.


Quel que soit le partenaire que se choisira Spotify pour se lancer aux Etats-Unis – Google ? Microsoft ? Amazon ? – Apple a du souci à se faire. D’abord, et avant tout, parce que c’est le seul concurrent sérieux d’iTunes à disposer d’un jukebox logiciel digne de ce nom. De nombreuses améliorations devront encore lui être apportées, dans la gestion des playlists, notamment, s’il souhaite faire totalement de l’ombre au logiciel d’Apple. Mais contrairement à iTunes, qui reste une véritable usine à gaz dans l’environnent PC, le logiciel de Spotify est redoutablement optimisé.

Ce dernier est en outre présent sur toutes les plateformes mobiles, d’Android à iOS (iPhone), en passant par Symbian ou Windows Mobile 6 et bientôt 7. Un formidable atout face à la plateforme d’Apple, qui se cantonne à l’iPhone. Or, le mobile est aujourd’hui le principal levier de croissance du marché du téléchargement, au point qu’iTunes réalise désormais un tiers de ses ventes sur iPhone en Europe,- et de celui de l’abonnement. Si elle veut prévenir une hémorragie de ses 100 millions de clients américains en direction de Spotify, la firme de Cupertino n’a d’autre choix que de leur proposer à son tour une offre de streaming. A défaut, Spotify, qu’un buzz de dix-huit mois a déjà précédé aux Etats-Unis, pourrait très bien venir croquer goulûment les parts de la Pomme sur le marché américain de la musique…

Article initialement publié par Philippe Astor sur Electron Libre

Crédits photos CC flickr: Jon Aslund; Marcin Michary; Mysza

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Le Bien public veut casser du lien http://owni.fr/2010/06/02/le-bien-public-veut-casser-du-lien/ http://owni.fr/2010/06/02/le-bien-public-veut-casser-du-lien/#comments Wed, 02 Jun 2010 09:45:47 +0000 Michèle Battisti http://owni.fr/?p=17336 Le Bien public, journal publié à Dijon, et un autre journal du même groupe, font un procès  au site dijONscOpe,  à qui il est reproché  de reproduire dans sa « revue de presse » des extraits d’articles (ses premières lignes) et de faire des liens dits profonds [1].

Les mentions légales du Bien public sont effectivement très restrictives. Ses responsables « ne concèdent qu’une autorisation de visualisation de son contenu, à titre personnel et privé », « la création d’un lien hypertexte vers la page de d’accueil (…) » et  interdisent « d’utiliser ou d’extraire en tout ou en partie les bases de données utilisées par le Site Web ».

Revue de presse ou panorama de presse ? [ 2] Je ne peux pas m’empêcher de poser cette question. Certes, le travail est réalisé ici par des journalistes et non par des documentalistes. Mais effectuer un tri dans l’information pour mettre en valeur certains articles auprès de ses lecteurs par des liens ad hoc, tel est bien le travail réalisé par des centaines de documentalistes chaque jour. Loin de nous l’idée de fustiger le travail de DijONscOpe  [note 1] ! Il serait temps que l’on autorise la pratique qui, sur le web, consiste non pas  à reproduire l’intégralité d’un document mais, lorsque ce document est librement accessible, à en  proposer un lien ouvrant sur une nouvelle page [note 2] afin d’en favoriser sa consultation par le public.

On ne peut manquer d’évoquer un très vieux procès [5], celui qui opposait il y a plus de 25 ans  la société canadienne Microfor au Monde, et  la jurisprudence qui en a suivi, qui accordait à « l‘œuvre d’information » des droits particuliers, notamment le droit de reprendre des « phrases extraites de ces articles dont elle prétendait ainsi rendre compte ». On ne peut manquer non plus de s’élever contre cette pratique qui interdit d’établir des liens, lorsque cette interdiction est systématique, ce qui  nous semble abusif [3].

Après avoir parcouru les très nombreux commentaires et les articles accompagnant l’article annonçant le procès, on ne manquer de noter que Dijonscope fait concurrence à un nouveau site d’information créé par le groupe de presse,  à qui l’exclusivité des liens vers  les articles seraient sans doute réservée, et qu’il « bouleverse le monopole de la presse quotidienne régionale ». Je ne peux manquer non plus de relayer l’information diffusée ce 1er juin 2010 sur Le Monde. Les journalistes y présentaient  Facenews, agrégateur qui « permet de suivre les mises en ligne d’éditeurs comme Le Monde, Le Figaro, Libération, Mediapart ou la revue XXI » à partir des articles « plébiscités » par ses amis et non par des journalistes ou des documentalistes.

Accusés de “contrefaçon”, et de “concurrence déloyale », les responsables du site dijOnscOpe  vont devoir se  défendre devant le TGI de Nancy ce 1er juin 2010.

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[1] Mais, selon la jurisprudence, la revue de presse, exception au droit d’auteur, consiste « en un commentaire et une comparaison d’articles de différents journaux concernant un même thème ou un même événement ».

[2] Le cadrage – faisant croire à l’internaute qu’il est resté sur le même site –  sera assimilé à du parasitisme, une pratique que semble avoir adoptée  dijOnscOpe.

Références

[1] La pilule dijOnscOpe passerait-elle mal au Bien Public?, Sabine Torres, dijONscOpe, 31 mai 2010

[2]Le panorama de presse : aspects juridiques, Michèle Battisti, ADBS, 2006 (L’Essentiel)

[3]Interdire un lien : une pratique abusive, Actualités du droit de l’information, 23 octobre 2009

[4] Que valent vos amis comme rédac’chef, Le Monde, 1er juin 2010

[5]. Les conséquences de l’affaire Microfor / Le Monde, Didier Frochot, 16 mars 1988. Publié sur le site  Les infostratèges

[6] « Lier ou ne pas lier ». Pour un usage responsable de l’hyperlien, Michèle Battisti, 69e congrès de l’IFLA. Berlin, 2003. Sur le site de l’IFLA

Billet initialement publié sur Paralipomènes sous le titre “Inquiétant procès autour d’une revue de presse”

Image CC Flickr  just.Luc

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http://owni.fr/2010/06/02/le-bien-public-veut-casser-du-lien/feed/ 8
« L’objectif de Google n’est pas d’afficher l’information la plus pertinente » http://owni.fr/2010/03/10/%c2%ab-l%e2%80%99objectif-de-google-n%e2%80%99est-pas-d%e2%80%99afficher-l%e2%80%99information-la-plus-pertinente-%c2%bb/ http://owni.fr/2010/03/10/%c2%ab-l%e2%80%99objectif-de-google-n%e2%80%99est-pas-d%e2%80%99afficher-l%e2%80%99information-la-plus-pertinente-%c2%bb/#comments Wed, 10 Mar 2010 13:39:13 +0000 Solveig Godeluck http://owni.fr/?p=9749

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Renaud Chareyre revient dans une interview sur sa thèse développée dans son essai “Google Spleen” : derrière la légende “Don’t be Evil”, la firme cherche avant tout à faire du business, avec en prime le risque d’un super-monopole “digne d’une économie planifiée”.

Surprise ! Mon Ecran Radar s’ouvre à des contributions extérieures. Promis, juré, craché c’est bien plus l’envie d’offrir un espace Freestyle à d’autres journalistes/bloggeurs/Xperts qui motive cette décision qu’un mauvais prétexte pour ne pas vous livrer mon post hebdomadaire (Il arrive ce billet, il faut juste que je trouve le temps…et le bon sujet ;-) On commence donc ce nouvel exercice “open source” avec ma consoeur Solveig Godeluck, grande spécialiste de l’internet et des télécoms, qui signe ci-dessous une interview passionnante de Renaud Chareyre auteur de “Google Spleen”, chez Interactive Labs. Cet essai sans concessions s’emploie à démonter la légende “Don’t be Evil” servie par Google pour mettre à jour le véritable objet de LA FIRME : le Business avec un grand B…avec en prime le risque d’un super-monopole “digne d’une économie planifiée”.

INTERVIEW :  Renaud Chareyre, auteur de
« Google Spleen. La tentation de la désinformation »

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre très critique sur Google  ?
J’ai créé il y a quelques années Woxxo, un site de mise en relation de prestataires pour des projets dans le domaine d’Internet, de l’informatique et de la communication. A partir de 2003, nous sommes devenus un gros consommateur d’Adwords, la régie publicitaire en ligne de Google. Pour mémoire, Adwords permet aux annonceurs de faire apparaître leur adresse Web en regard des résultats d’une recherche effectuée avec le moteur Google  : ce sont les fameux « liens sponsorisés », destinés à mieux cibler la publicité.  Au début, nous avons bénéficié d’un fort retour sur investissement. Le taux de conversion, c’est-à-dire le nombre d’internautes qui après avoir cliqué sur notre annonce décidaient d’utiliser notre service, était très élevé.  Puis à partir de 2005, l’efficacité commerciale de notre campagne sur Adwords s’est franchement dégradée. Nous avons essayé de comprendre ce qui se passait. Conclusion  : en toutes circonstances, c’est Google qui décide d’afficher ou non vos annonces, selon ses propres critères qui n’ont rien à voir avec ceux de ses clients.

Mais qu’est-ce qui vous permet de tirer de telles conclusions  ?
Alors que le marché de la mise en relation était en forte croissance, nos volumes baissaient. Nos statistiques étaient de plus en plus incohérentes : en 2003 nous avions une conversion par heure, en 2007 nous en avions deux par jour, quelles que soient nos actions marketing, le prix payé, le nombre de mots-clés achetés. Cela pouvait être une à 16h47, et l’autre à 16h48… puis plus rien de la journée. Autre bizarrerie  : les demandes déposées par les visiteurs issus d’Adwords n’émanaient quasiment plus que d’étudiants et de particuliers, au détriment des grands comptes et des PME. En fait, Google a peu d’intérêt à maintenir en haut de classement un annonceur capable d’apporter une solution immédiate au besoin de l’utilisateur. C’est logique, puisque son profit dépend du nombre de clics que va effectuer l’internaute avant d’identifier la réponse à ses attentes et donc d’interrompre sa session. La plupart des gens ignorent que l’objectif de Google, dont le chiffre d’affaires dépend à 95 % de la publicité, n’est pas d’afficher l’information la plus pertinente, mais de conduire l’internaute à multiplier les clics publicitaires.

Avec Adwords, les entreprises paient pour bénéficier d’un bon placement publicitaire. Elles
savent donc à quoi s’attendre  !

Pas du tout. Google a mis en place un système d’enchères pour acheter des mots-clés. En principe, plus vous paierez cher, plus vous serez visible. Mais personne ne connaît le prix payé par ses concurrents.  Et le fait d’être le mieux-disant ne garantit de toute façon ni le meilleur emplacement, ni l’affichage. Car selon le contrat qui s’applique aux clients Adwords, Google se réserve toutes les marges de manœuvre pour organiser le « ciblage » des annonces publicitaires, et donc la répartition de son audience entre les sites. Google se doit de donner de la satisfaction à chacun de ses annonceurs, en leur faisant trouver des prospects, et cela quelle que soit la qualité de leurs propositions. D’où la mise en place d’un microciblage des liens sponsorisés, que Google décide d’afficher, ou pas, sur l’écran de chaque internaute. Les résultats de recherche sont affinés en fonction d’une analyse comportementale à l’échelle de chaque utilisateurs. En donnant des gages à tout le monde, ce système est conçu pour induire une montée générale des mises sur Adwords. A mes yeux, il est loin de favoriser la compétitivité. Il est même digne d’une économie planifiée  !

Avez-vous tenté d’aller voir la concurrence  ?
Bien sûr. J’ai testé Yahoo et Microsoft, mais j’ai observé les mêmes dérives. Sur certains mots-clés, Microsoft me recommande d’enchérir à 25 euros par clic  : cela devient absurde !

Redoutez-vous l’expansionnisme de Google, qui construit des téléphones, opère des réseaux, crée son navigateur, etc.  ?
Google Earth, Google News… Beaucoup d’outils Google sont très séduisants. Le problème, c’est que ces programmes ingénieux sont financés par Adwords.  Or c’est un système fondé sur l’annulation des facteurs de compétitivité des opérateurs. La stratégie de Google consiste à multiplier les projets qui font rêver afin de détourner l’attention de sujets que met en danger le fonctionnement d’Adwords  : la juste rémunération de la compétitivité, le jeu de la concurrence, le respect de la vie privée.

Pourquoi Google menace-t-il de se retirer de Chine ?
Je suis prudent car je ne connais pas le fonds de l’affaire. Mais je constate que le business de Google consiste à contrôler et à organiser l’information sur Internet à des fins publicitaires. Dans un pays comme la Chine, avec un vrai historique de régulation de l’information, Google travaille sur le même terrain que le gouvernement. Pas sûr que les deux démarches soient compatibles. Le piratage des boîtes Gmail n’était qu’un prétexte à mon sens.  Et la défense de la liberté d’opinion a bon dos  : tout de même, Google n’a pas attendu quatre ans en Chine avant de se poser la question des droits de l’Homme !

Propos recueillis par Solveig Godeluck

Article initialement publié sur Mon écran radar

Photo de une Irish Typepad sur Flickr

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Nettoyage pour la BBC http://owni.fr/2010/03/08/nettoyage-pour-la-bbc/ http://owni.fr/2010/03/08/nettoyage-pour-la-bbc/#comments Mon, 08 Mar 2010 16:18:12 +0000 Audrey Trenteseaux http://owni.fr/?p=9667 bbc

Dans un plan, qui sera prochainement annoncé, la BBC prévoit de fermer deux stations de radio (Station 6 Music et Asian Network), la moitié de son site web ainsi que de réduire ses dépenses sur l’importation de programmes américains.

Le budget du service web sera amputé de 25% et il en va de même pour les membres du personnel. Mark Thompson, directeur général de la BBC, a d’ailleurs rencontré les syndicats. Ceux-ci sont inquiets car six cents emplois sont menacés. Le site web de la BBC devrait à l’avenir traiter plus de sujets d’actualité et moins de sujets magazine.

Mark Thompson prévoit également de fermer BBC Switch et BBC Blast. Les deux chaines, qui s’adressent à un public entre 15 et 30 ans, sont très populaires. Si elles disparaissent, le marché reviendrait à ITV et Channel 4.

Le secteur sportif prend, lui aussi, un coup dans l’aile. En effet, les dépenses liées aux droits de retransmission, pour les événements sportifs, seront revues à la baisse.

Le budget global de BBC 2 sera quant à lui, revu à la hausse. 25 millions devraient lui être attribués.

Plus de 90 000 personnes ont déjà manifesté leur mécontentement sur le web, à propos de la fermeture de BBC 6 Music. Sur le site de réseau social Facebook, plusieurs groupes ont déjà été créés pour sauver la station de radio. Du côté des artistes, ça bouge aussi. Dan Bull, compositeur anglais, a écrit une chanson intitulée “Dear Auntie (An open letter to the BBC)”. Voici la vidéo :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Tout ceci ne serait-il qu’un jeu politique ? La BBC semble se préparer au scrutin de mai prochain. Les conservateurs sont donnés grands favoris. Problème ? Les Tories sont soutenus par les médias de Rupert Murdoch.  James Murdoch, le fils du magnat de la presse, est très critique vis-à-vis de la BBC.  La chaine représente, selon lui, une concurrence trop importante pour le “Times” et “The Sun”.  Jeremy Hunt, ministre de la Culture (Parti Conservateur), entend avoir une discussion avec la BBC au sujet de ses activités.

Pour plus d’informations sur ce sujet, voici quelques liens :

BBC signals an end to era of expansion” – Times Online

BBC chairman Sir Michael Lyons admits licence fee cut possible” – Times Online

Billet initialement publié sur Around the news

Photo A Princess sur Flickr

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http://owni.fr/2010/03/08/nettoyage-pour-la-bbc/feed/ 0